Romain n'avait jamais rien fait de sa vie.
Pourtant, il avait atterri en prison.
A 20 ans, on n'est pas sérieux, il le savait bien. Mais tout de même. Là, il avait fait fort. Très fort.
Tout avait commencé par une chaude journée de décembre, le jour de son anniversaire. Ses amis Amaury et Pierre-Antoine l'avaient emmené pour l'occasion dans un cabaret. Dans une boîte de strip-tease de luxe, n'ayons pas peur des mots. Dans une maison close, à vrai dire. Malgré un physique de quarterback lycéen tiré d'une comédie américaine, et le portefeuille que l'on imaginait aller de soit, il n'était jamais sorti avec une fille. D'ailleurs, il en avait peur.
Ses deux comparses bien vite disparus, il resta quelques instants hébété dans l'entrée du "cabaret". Et des filles, qui sait qu'il y en avait. Pas très vêtues, qui plus est. Romain voulait fuir, et s'imaginait déjà roulé en boule dans la salle de gym de son père. Le seul endroit où il pouvait espérer voir ce dernier, récemment.
Ces "dames" commencèrent à lui tourner autour, et ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Puis tout se passa très vite.
Son coude heurta un verre. Celui d'un mafieux local, qui crut qu'il s'agissait de son ennemi juré, qui se leva avec une arme, abattit tout ce qui bougeait, tendit une arme à Romain en le prenant pour son protégé (étendu au sol assommé par une chaise), qui ne sut quoi en fait et se blessa avec le canon encore chaud. Le truand descendit tout le monde, crut que Romain avait blessé son protégé, voulut lui tirer dessus, glissa sur son garde du corps, s'étala par terre, inconscient. La police ne voulut jamais le croire.
Aussi était-il en prison.
Oh, il le savait, il n'était pas un homme intelligent, loin de là. Mais faire aussi fort ET se brûler la paume avec la prétendue arme du crime, ça relevait de l'exploit personnel. Pourtant il avait déjà fait exploser un hélicoptère en jouant au criquet.
Le seul domaine où il prenait à ne tuer personne était, de manière surprenante, le tir à l'arc. Et captiver les foules. Son père était politicien, après tout. Bien qu'il ait toujours vécu dans la Creuse, ce qu'il ne s'expliquait pas.
Bavard, gaffeur, amical, loin d'être une lumière mais assez chaleureux pour être plaisant, Romain ne se voyait pas de défaut. Si ce n'est de n'avoir absolument aucune emprise sur son destin. Se dit-il en se réveillant sur une plage de sable violet entouré de... pastèques, qui le regardaient avec un mélange de curiosité et d'hostilité.
A ce moment-là, Romain décida que, pourquoi pas.

Et s'évanouit, pour faire bonne mesure.