Deuxième partie ▬ Démence illusoire.

En un instant, en une fraction de seconde, en un crissement de porte, tout avait changé. La porte ? Plus là. Les gens ? Disparus. Le grenier ? Ailleurs. Tu te souviens vaguement d’une bourrasque, de quelque chose de flou et de violent, d’un mouvement brusque qui vous secoue et vous emporte loin, loin, trop loin peut-être. Tu ne sais plus où tu es, tu titubes, marches de travers, tombes plusieurs fois, tentes de relever la tête, de voir en face, et finalement fermes les yeux. Il te semble avoir vu des gens, peut-être, plus loin. Des ombres qui fuient, des silhouettes difformes qui flottent à peine au-dessus du sol. Certaines te semblent étrangement familières, d’autres non, d’autres plus. Quelques nuages subsistent et se transforment...

Ah, oui, c’était le troisième étage. Celui où tout le monde dormait tranquillement, plus tôt, celui où on se sentait bien, où l’on pouvait dormir sans crainte, ces murs qui semblaient de la même couleur que cet ancien ciel dont on oublie peu à peu l’étendue. Maintenant, tu es agacé. Agacé par ce Oeuf qui vous a bien eu, agacé par cette voix qui surgit de nulle part, agacé de ces gens qui ouvrent toujours les portes qu’il ne faut surtout pas ouvrir. Agacé de l’Esquisse.

Tu te relèves, et ton regard travers le paysage. Tu ne veux parler à personne. Personne. Qu’ils te laissent en paix, tu es déjà bien assez dans le pétrin comme ça ! Et puis, d’abord, tu t’en sortirais mieux tout seul, ce n’est pas comme s’ils t’étaient d’une quelconque utilité ! Tu bouscules ceux qui sont sur ton chemin, et tu entreprends de te déplacer dans cette pièce gigantesque de laquelle il te semble impossible de sortir. Il fait trop froid, trop chaud, tu es fatigué, tu en as marre, tu veux rentrer ! Si seulement ces idiots ne s’étaient pas jetés sur cette fichue por....

« Bonjour, Papa. »

Brusquement, tu te retournes. Cette voix, tu la reconnais. Ce visage, si familier, si nostalgique... Si doux, si adorable....

Non. Il n’existe pas. C’est un faux. Juste un faux.
Tu continues ta route, sans prêter attention à ce fantôme du passé.
Ce n’est rien d’autre.

Oh, quelle originalité.
Ils s’étaient fait avoir.
Il y avait eu une Tempête.
Non, franchement, cela en devenait presque lassant. L’Esquisse était à court d’idées ou quoi ? Pitoyable. Irritant.

Liam ouvrit les yeux sur le troisième étage, le corps pulsant de douleur. Encore une chose qui ne changeait pas. Haha. La torpeur qui caressait son esprit s’écoulait, lentement, mais sûrement. Ses oreilles félines se plaquèrent sur son crâne tandis qu’il se relevait et inspectait les environs. Les nuages n’étaient plus, l’obscurité régnait. Ambiance glauque à souhait. Tcha.
Le rebelle fit rouler les muscles de ses épaules un instant, comme pour s’étirer, avant de se mettre en route. Où ? La Sortie, sans aucun doute. On en revenait toujours à ça. Il se stoppa bien vite, ceci dit. Une personne l’empêchait de passer. Un grand jeune homme aux cheveux blonds, avec un immense sourire vissé aux lèvres. Oh, non...

▬ Alors, tu vas où comme ça Williams ?

Ne le regarde pas dans les yeux. Ne le regarde pas, Liam.

▬ T’es qu’une illusion. Une putain d’illusion. Dégage.

L’hybride feula, sans même s’en rendre compte. Oui, il fallait que ce soit une illusion. Il le fallait. Car si Lui était là, ce serait... Non. Il n’était là. IL N’ÉTAIT PAS LÀ. Liam dépassa la vision en trombe, la bousculant d’un coup d’épaule, sans même s’arrêter un seul instant.
Il devait...
Oh. Des cheveux blonds. Encore. Une queue de cheval. Une silhouette connue.

Bon sang, il avait un truc avec les blonds ou quoi ?

▬ EELIS ! Arrête-toi, tout de suite ! Ne bouge pas !

Utilise ton cerveau pour une fois, Eelis. Ne fonce pas tête baissée dans un endroit que tu ne connais pas.

Liam se dirigea vers sa nouvelle cible à grandes enjambées.
Il était agacé.
Il ne le détestait pas, non.

Pas encore.

Derrière, tu crois entendre un bruit. C’est peut-être une autre illusion, ou un fantôme. Ou quelque chose comme ça. Peu importe, tu continues, tu ne veux pas te retourner, pas encore. Tu regardes devant, dans cette seule direction que tu vises, et jamais ailleurs. Parce que c’est trop douloureux, et parce que tu y perdrais plus que des plumes.

“ EELIS ! Arrête-toi, tout de suite ! Ne bouge pas ! ”

Cette voix t’est familière. Mais elle est agaçante, beaucoup trop ! Peu importe qui c’est, peu importe qui ça peut être, qu’on te fiche la paix !

“ Laisse-moi. “

Sans jamais tourner la tête vers lui, tu continues. Toujours, encore. Et qu’il ne s’avise pas de te suivre, qui qu’il soit !