Forcément quand on ouvre les yeux sur un ciel rose, on se pose des questions.
Encore plus quand notre première impression est celle de s’asphyxier. J’avoue avoir paniquer quand j’ai senti que mes poumons n’étaient plus capables de faire leur job correctement ; même en respirant lentement, j’avais l’impression de suffoquer. « Relax Max », c’est ce que je me suis répété. Il m’a fallu un bon moment avant de comprendre que j’avais mes mains sur ma gorge et que j’empêchais ce…ce truc de se remplir d’air.
Je n’ai rien capté. Au début. Puis en touchant plus doucement, j’ai senti comme une poche sous ma mâchoire, de la taille d’un œuf, qui se gonflait et se dégonflait au rythme de ma respiration.
Combien de temps je suis resté allongé dans l’herbe ? Après avoir repris mon souffle, très peu de temps. Des bruits étranges secouaient la terre et je voyais le monde comme à travers deux culs de bouteille sales alors...
J’étais paumé.
Et en train de me demander si Demy ‘avait pas trop chargé la seringue cette fois-là. Car même si je ne voyais pas grand-chose, les couleurs du paysage semblaient dignes d’un bon petit trip des familles.

Puis soudain, cette fille m’a foncé dedans. Elle m’a juste hurlé de me grouiller et, voyant que je ne réagissais pas, est venue me tirer par le poignet à sa suite. Vers où ?
« Il faut qu’on retourne à la ville fissa ! »
Mh. Aux dernières nouvelles j’étais déjà en ville, dans mon petit appartement pourri de banlieue américaine. Avec Demy.
Mais cette fille là, c’était pas Demy. Et je la suivais sans trop poser de questions, faisant un check global de mon état : je ne me sentais pas défoncé, étrangement. Mais en avisant les espèces de membrane entre chacun de mes doigts-… Ok. Si. Définitivement défoncé.
Note à soi-même : ne plus jamais se faire de marathon Harry Potter avec le frangin juste avant d’aller retrouver Demy.

Je crois qu’à un point de mon aventure hallucinatoire, je me suis retrouvé chez la fille. Après avoir traversé ce qui m’avait semblé être une ville abandonnée, nous nous sommes retrouvés dans une espèce de sous-sol pas plus en état. Elle m’a raconté sa vie, ou du moins a piaillé pendant de longues minutes sur mon inconscience de me retrouver dehors comme ça tout seul. J’ai dû marmonner un truc sur les mamans.
« ...tu viens de débarquer en fait ? »
Elle a semblé se calmer un peu.
« Tout dépend où j’ai débarqué ?
— ...Dis-toi que c’est pas ton jour de chance dans ce cas.
— Vu comment tu me pompes déjà l’air, je parierais aussi là-dessus. »
Je n’ai pas vu venir le crochet droit qu’elle m’a carré en beauté.
« T’es chez moi là alors tu fermes ta gueule et t’enlève ta capuche ! », qu’elle a crié en me l’enlevant elle-même.
Puis elle a eu l’air choquée, un court instant, avant d’éclater de rire.
À s’en tenir les côtes. Pliée en deux.
Elle s’est laissée tomber dans un vieux sofa, soulevant un large nuage de poussière pailletée (what?).
« Alors toi, elle t’a pas loupé ! »
Une drôle de sensation que celle d’avoir la tête nue. Je me suis empressé de passer ma main dans mes cheveux...absents.
...Quelles conneries j’avais encore bien pu faire ?…
« Il se passe quoi ici ? C’est qui elle ? »
La coiffeuse qui a accepté de me raser le crâne ? Si je la retrouve-…
« L’Esquisse. Bienvenuuue ! Wonderland réécrit par Burton…et James Wan. »
Pause. Inspiration.
…
« C’est quoi ce délire ? »

Je crois qu’elle a passé le reste de la journée à m’expliquer ce qu’il se passait dans ce pays de tarés. Que nous n’étions en sécurité nulle part sauf (peut-être) à la base que la fameuse Kelly avait peur de rejoindre seule, qu’il ne fallait pas faire confiance à un paquet de pop-corn même immobile, et que j’avais subi une altération physique durant le voyage qui me donnait l’air d’un batracien.
Ravi.
J’étais ravi.
Je me suis couché en me répétant que le lendemain j’allais probablement louper les cours du matin mais qu’il fallait absolument que je me pointe à mon job à midi.
Mais le lendemain rien n’avait changé.
Ni le surlendemain, et le jour d’après...encore moins.
Kelly m’a emmené constater de mes propres yeux ce qu’elle me racontait et, bizarrement, j’y ai cru. Bon, d’accord, je n’ai pas vraiment le choix mais...aussi étrange ce ciel soit-il et flippante cette ville puisse être… J’avais presque envie de croire que j’allais m’y habituer. J’avais lu assez de bouquins durant mon adolescence pour savoir ce qu’il arrivait au héros spawné dans un monde pareil. Et je n’étais probablement pas le héros vu le charisme dont j’avais écopé en tombant ici (moins quatre-vingt-six sur une échelle de un à dix selon Kelly).
Mais peut-être que j’ai ma place comme personnage secondaire ? Ou trouble-fête ? Mh. Ça me plairait bien.

Aujourd’hui je rejoint la Base qui est apparue miraculeusement à coté de la ville. La fameuse Base que Kelly voulait tant rejoindre…
Dommage qu’un parc-mètre colérique lui ai arraché la tête hier soir. Elle avait un joli petit cul pourtant.