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[Jour 6] Au royaume des aveugles, le borgne est roi.

Anonymous
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Mer 15 Juin - 20:35
Turner leva les yeux sur l'immensité du ciel d'Esquisse. Il détailla les formes qui s'entremêlaient, les couleurs qui se dispersaient, les mots qui se formaient et se déformaient. Le ciel était une des rares choses dans l'Esquisse qu'il n'avait jamais peintes. Il n'en avait jamais ressenti le besoin, ni même l'envie. Non pas qu'il le jugeait indigne d'intérêt. Au contraire, il avait souvent regardé le ciel, parfois pendant de longues minutes, ses yeux sautant d'écran en image, de mot en couleur. Le mélange disparate et varié de formes et de teintes qui s'éparpillait dans ce ciel ne cessait jamais d'attirer son attention, et ne le lassait jamais. Le ciel était fascinant.
Mais c'était tout. Il était fascinant d'un point de vue scientifique, pas artistique. Le seul intérêt que Turner aurait eu à représenter la voûte céleste bariolée serait pédagogique : comment figer dans une peinture une chose en perpétuel changement ? Le problème ne l'avait jamais suffisamment intéressé pour qu'il cherche à le résoudre, cependant.
Il cessa finalement de regarder le ciel et se tourna vers la fillette qui le suivait avec obstination depuis plusieurs minutes. Il ne savait pas ce qu'elle lui voulait, mais il aurait préféré qu'elle vienne se présenter au lieu de le suivre comme une voleuse. Il ne supportait pas d'être observé. La chose était d'autant plus ridicule qu'il l'avait remarquée depuis longtemps, et qu'elle le savait parfaitement, c'était évident. A quoi bon, alors ?
Quoi qu'il en soit, il allait prendre les devants.

« Bonjour. Si vous vouliez de la compagnie, vous pouviez simplement marcher à mes côtés, et non derrière. »

Résumé:
Anonymous
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Mer 15 Juin - 22:28
Elle était sortie en compagnie de Watson. Elle avait marché à ses côtés quelques temps à travers la ville. Elle ne savait pas exactement quel était le but de leur sortie, mais la réponse lui importait peu. Toute sortie était bonne à prendre, que cela soit pour explorer les environs, pour récolter  des ressources, ou simplement prendre l'air… Après tout, même la plus banale des promenades pouvait devenir une source d'intérêt cyantifique. C'était à peu près ce qu'elle avait pensé, en observant une formule topologique virevoltant au gré des cieux. Elle avait cligné des yeux afin de mieux distinguer la molécule, compté le nombre d'atomes de carbone de sa chaine principale et…  Et ensuite ? Que s'était-il passé, déjà ? Lorsqu'elle avait cherché son compagnon du regard, elle n'avait trouvé ni blouse blanche, ni chemise à carreaux, ni chaussons lapin. Watson avait encore une fois disparu de son champ de vision.

Elle avait haussé les épaules, résignée. Ce n'était pas si grave. Ce n'était pas la première fois qu'elle se trouvait dans cette situation, et ce ne serait probablement pas la dernière. Elle avait l'habitude de perdre les gens de vue. Elle avait l'habitude de perdre les gens. Elle avait l'habitude de se perdre. Ce n'était pas un problème. Cela arrivait, et il fallait faire avec. Comme toujours.

Et c'est ainsi qu'Elsie s'était encore une fois retrouvée seule, à errer dans les ruines de la Ville. Cela ne la dérangeait nullement, et il lui semblait presque que la formule topologique la suivait à travers ces décombres, comme pour lui tenir compagnie. C'était peut-être un signe. Une invitation à se pencher sur cette molécule en particulier… Elle l'observa un peu plus. D'après le nombre de ses doubles liaisons conjuguées, c'était sûrement une molécule colorée. Elle aurait aimé pouvoir déduire sa couleur grâce à sa formule, mais elle n'était pas certaine de pouvoir la reconnaître de cette manière…

Du bruit.

Elle se redressa et contempla la silhouette trouble qui se profilait à l'horizon. Au son de sa démarche, elle supposait un homme. Watson, peut-être ? Elle n'avait jamais réussi à retrouver le cyantifique aussi rapidement… Non… Ce n'était probablement pas lui. Il ne produisait pas ce genre d'ondes.

Elsie s'approcha à grands pas jusqu'à distinguer le visage de l'individu. C'était bien un homme. Grand. Blond. Borgne. Rien d'étonnant. Rien qui ne sorte de l'ordinaire. Quelque part, c'était  presque dommage… Elle aurait aimé pouvoir étudier des mutations, des cornes, des ailes ou des antennes… Mais peut-être que cet œil crevé cachait quelques secrets ? Elle sortit un bout de papier de sa poche et griffonna quelques observations.

Elle suivit l'homme pas à pas pendant de longues minutes. Bien sûr, il avait remarqué sa présence.   Il en semblait même ennuyé. Peut-être aurait-il préféré qu'elle se cache ? Qu'elle l'observe discrètement, à distance ? Elsie, elle n'en voyait pas l'intérêt. Elle n'avait rien à se reprocher.

L'homme s'était retourné.

« Bonjour. Si vous vouliez de la compagnie, vous pouviez simplement marcher à mes côtés, et non derrière. »

Elle avança jusqu'à l'homme et lui sourit. De la compagnie ? Si elle avait désiré de la compagnie, elle se serait contentée de la formule topologique de tout à l'heure.

« Je n'ai pas besoin de compagnie. »

À nouveau, elle sortit son papier de sa poche et inscrivit quelques notes. Il n'avait pas tenté de la semer. Il avait mis quelques minutes à réagir, mais il était finalement venu lui parler. Et malgré son apparence, il avait choisi de la vouvoyer…

Intéressant.

Elle fixa la cicatrice qui barrait son œil droit pendant quelques secondes avant de reprendre.

« Vous observiez le ciel, tout à l'heure… Mais que regardiez-vous ? »

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Anonymous
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Jeu 16 Juin - 16:03
Ce n'était pas une fillette.

Turner s'en doutait déjà. Une petite fille normale aurait tenté de se cacher, ou alors serait directement venue le voir, au lieu de le suivre sans aucune gêne, simplement à quelques mètres en arrière. Son attitude donnait à penser qu'elle l'observait. Elle avait même sorti de quoi écrire et griffonnait, depuis, des choses, à intervalles réguliers.

Il avait noté ses ailes de chauve-souris, ses cheveux trop clairs. Ces choses étaient naturelles dans le monde qui était le leur à présent. En revanche, son attitude était plus curieuse. Il en était sûr, à présent, ce n'était pas une fillette. Juste une âme égarée dans le corps d'une fillette. Juste une anomalie de plus. Il était heureux d'avoir conservé son propre corps. Il aurait détesté habiter celui de quelqu'un d'autre, et plus encore, savoir que le sien était occupé par un inconnu.

Turner regarda avec curiosité, mais aussi un léger agacement, l'étrange petite fille s'approcher.

« Je n'ai pas besoin de compagnie. »

Et elle écrivit à nouveau sur la liasse de feuilles qu'elle tenait. Il en conclut qu'elle venait simplement le voir de plus près. Notait-elle des observations à son sujet ? Turner admirait son esprit scientifique, mais il détestait l'idée de n'être considéré que comme un sujet d'observation. Et il détestait sa façon de le regarder. Elle avait les yeux rouges.

« Vous observiez le ciel, tout à l'heure… Mais que regardiez-vous ? »

Une partie de Turner aurait volontiers envoyé balader la mioche. Une autre était curieuse, comme toujours. Et, comme toujours, la curiosité pris le pas sur l'agacement.

« Je contemplais mon manque d'inspiration. Vous n'avez donc rien d'autre à faire qu'étudier le premier passant venu ? »

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Anonymous
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Jeu 16 Juin - 17:22
Il semblait agacé. Elle était sûrement la cause de cet agacement. Et, au fond, cette émotion était tout à fait compréhensible. Ce genre de réaction était tout à fait commun. La plupart des gens n'aimaient pas se sentir observés, analysés. Ils affectionnaient uniquement les regards discrets, les regards hypocrites de la société. La plupart des gens se défilaient quand on les regardait droit dans les yeux, quand elle les regardait dans les yeux. La plupart des gens fuyait ses regards, ses iris rouge d'enfant qui semblaient vouloir les percer à jouer…  Mais ce n'était pas le cas de l'homme. L'homme soutenait son regard.

Était-il curieux ? Partageait-il cette envie, ce besoin de comprendre ?

Que voyait-il, dans le ciel ?

« Je contemplais mon manque d'inspiration. Vous n'avez donc rien d'autre à faire qu'étudier le premier passant venu ? »

Elle pencha légèrement la tête, intriguée. Il parlait d'inspiration… L'homme se considérait-il comme un artiste ? Était-il semblable à ces poètes, ces musiciens, ces peintres qui sont si fiers de leur créativité ? Elle avait déjà croisé ce genre de personnes dans l'Esquisse ; des créateurs à la recherche de l'Inspiration… S'attendait-il, lui aussi, à la voir soudainement descendre du ciel pour venir le bénir de la sainte Imagination ? Cette idée de l'inspiration à la forme mystique lui avait toujours parue absurde. À quoi bon attendre devant une page, une toile blanche ? La création était engendrée par le travail, la rigueur.

« Non. »

Une réponse peut-être un peu trop concise pour que l'individu y trouve quelque chose à répondre. Était-elle supposée développer son argumentation ? Probablement. Les conventions sociales l'avaient toujours ennuyées… Mais elle savait d'expérience que les chances d'obtenir des réponses étaient plus importantes lorsqu'elle acceptait d'en fournir de son côté.

« Je n'étudie pas le premier passant venu. Je vous étudie, vous. Je vous contemple. »

Elle rangea négligemment ses bouts de papiers et ses crayons dans ses poches. Elle poursuivrait sa prise de notes plus tard. Elle n'était pas pressée…

« D'autres contemplent vainement le ciel. »

Le ciel était pourtant une si belle énigme scientifique, un si grand mystère cyantifique, une source de questionnement infinie… Il était dommage de le considérer comme le simple miroir d'un manque d'inspiration.

« Ne pensez-vous pas que… »

Elle s'interrompit quelques secondes, plissa les yeux et balaya lentement l'homme du regard.

« Vous êtes un artiste, n'est-ce pas ? »

Quoi que le terme "artiste" puisse désigner…

« Mais qu'essayez-vous d'atteindre, par votre art ? »

Elle voulait comprendre cette vision étrangère à la sienne. Comprendre ce qu'il contemplait, ce qu'il voyait, ce qu'il était et ce qu'il cherchait. Comprendre.

Résumé:


Dernière édition par Elsie le Lun 18 Juil - 16:46, édité 1 fois
Anonymous
Invité
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Lun 11 Juil - 0:00
« Non. »

... Bon.

« Je n'étudie pas le premier passant venu. Je vous étudie, vous. Je vous contemple. »

Turner détailla la fillette. Son expression était beaucoup trop grave, et son regard beaucoup trop dur pour son visage encore rond. Dans son dos, des ailes décharnées pendaient, inutiles. C'était une apparence pleine de contrastes et de contradictions. Les attributs d'un démon sur le corps d'une poupée de porcelaine. C'était parfait, à ses yeux. Les choses n'étaient jamais aussi belles que lorsqu'elles possédaient des défauts pour souligner leurs qualités.

« D'autres contemplent vainement le ciel. Ne pensez-vous pas que… »

... que cette conversation ne va nulle part ?
Turner goûtait peu les bavardages inutiles, et il espérait que la demoiselle ne l'avait pas suivi dans l'unique but de lui faire la conversation.

« Vous êtes un artiste, n'est-ce pas ? Mais qu'essayez-vous d'atteindre, par votre art ? »

Le jeune homme haussa un sourcil.

« Rien. »

Même à ses yeux à lui, la question paraissait absurde.

« Je peins parce que cela me plaît. Je ne vois pas pourquoi je devrais forcément avoir un but à atteindre. »

L'art était gratuit. L'art était une fin. Et vouloir lui chercher un but, c'était le rabaisser au rang de moyen. Turner ne supporterait pas que quelqu'un considère son art comme un vulgaire moyen destiné à faire passer un message ou un point de vue. Il était tellement plus.

Résumé:
Anonymous
Invité
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Mar 30 Aoû - 21:59
Rien. 

Une réponse concise, comme la sienne.


Elle sourit faiblement.

Un insecte borgne à l'âme d'artiste discutant brièvement avec un parasite...

Quelle drôle de conversation.

Elle réfléchit.

Il avait répondu par rien... Mais cela ne voulait pas dire qu'il n'avait rien répondu. Que voulait-il exprimer par ce rien ? N'avait-il donc aucun but, aucun objectif à atteindre par la peinture ? À moins que la peinture ne soit la fin, et non le moyen. Dans ce cas... Son objectif était peut-être le processus, la création en elle-même. Cette idée l'intriguait. Les gens ne cherchaient-ils pas afin de trouver ? Cet homme paraissait pourtant chercher sans trouver. Il cherchait pour chercher, peignait pour peindre, créait pour créer...


Elle l'écouta développer sa réponse, pensive. Le processus de création était donc chez lui une source de plaisir. Peindre... Peindre donc était probablement devenu une de ses raisons de vivre dans l'Esquisse. En peignant, il ressentait... Il vivait ?

Elle avait besoin de vérifier ses hypothèses.

« Peindre vous donnerait-il le sentiment d'exister ? »

Quelque chose comme je peins donc je suis ? Je laisse mon empreinte donc j'existe ?

Elle ne parvenait pas à trouver une formulation correcte.



Exister... 

Avec le temps, elle avait sûrement oublié ce que cela faisait.

Résumé:
Anonymous
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Jeu 13 Oct - 17:07
« Peindre vous donnerait-il le sentiment d'exister ? »

Turner s'arrêta et se tourna vers son étrange interlocutrice. Quelle genre de question était-ce là ? S'attendait-elle réellement à ce qu'il lui réponde que, oui, s'il ne peignait pas il ne sentait plus son corps, il perdait pied avec la réalité, devenait un fantôme ? C'était de la pure provocation, oui. Il la regarda comme un professeur regarde le cancre de sa classe après que celui-ci ait, pour la cinquième fois consécutive dans la journée, donné une mauvaise réponse.

« Faux. Peindre me donne le sentiment d'avoir une raison d'exister. »

Ce qui était bien différent. S'il avait eu besoin de peindre pour exister, peut-être se serait-il contenté de cesser de peindre. Et de cesser d'exister. Tout aurait alors été tellement plus simple.
On n'a besoin de rien pour exister. On existe, et c'est tout. Il n'y a même pas besoin d'y penser. Mais une existence est parfois terriblement lourde à porter. Tout le monde a besoin d'un but pour exister, et c'est précisément pour cette raison : pour supporter le poids de l'existence. Turner, malgré tous ses efforts, ne faisait pas exception à la règle. Sa raison d'exister était cachée quelque part dans les couleurs et les formes et les textures. Constamment à sa portée, et pourtant... elle lui glissait entre les doigts chaque fois qu'il croyait la tenir. Parce que l'art n'est jamais parfait. Parce que la perfection ne s'atteint pas. Mais sa poursuite était ce qui lui permettait d'avancer.

Et sans cela, Turner ne serait qu'une coquille vide.
Avez-vous déjà eu l'impression de n'être qu'une coquille vide ?
Probablement.

Touts ceux qui arrivaient dans l'Esquisse n'expérimentaient-il pas cette sensation à un moment ou un autre ?

Turner se remit en marche.

Résumé:
Anonymous
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Jeu 13 Oct - 21:29
L'homme se retourna, visiblement ennuyé par sa question… Ou était-ce toujours de l'agacement ? Elle n'avait jamais été très douée pour interpréter les expressions des gens, et la chute drastique des ses capacités visuelles ne l'avait pas aidée à remédier à ce problème.

« Faux. Peindre me donne le sentiment d'avoir une raison d'exister. »

Le sentiment d'avoir une raison d'exister, hein… Elle avait sûrement déjà eu l'occasion de le ressentir. Elle avait sûrement déjà expérimenté ce sentiment d'avoir une place en ce monde, cette impression de contribuer à quelque chose de plus grand.

« Oh… »

Elle leva distraitement les yeux vers le ciel.
La réponse de l'artiste semblait presque poétique.

« C'est une belle illusion. »

Elle n'accordait désormais plus aucune valeur à sa soi-disante existence. Après tout, d'un point de vue purement objectif, elle n'en méritait pas. La vie des parasites n'a pas de valeur, ils n'ont pas besoin de rêves, d'ambitions… Ils ne sont d'aucune utilité et se contentent d'abuser de l'existence d'êtres plus développés. Les parasites sont une plaie. Elle était une plaie de ce monde et en avait conscience. Alors elle se contentait de vivre sans but, d'errer en se laissant porter par les événements. Elle subissait l'Esquisse, non pas en acteur, en héros ou toute autre sorte de personnage actif, mais en simple spectatrice. Oui, c'était cela, elle observait. C'était tout ce qu'il lui restait, et c'était amplement suffisant.

Peu importe si elle n'était qu'une coquille vide.

Elle baissa les yeux. L'homme s'était remis en marche.

En avait-il déjà assez ?

Elle ne voulait pas le laisser partir. Elle n'avait toujours pas réussi à comprendre. Elle ne savait pas encore l'histoire qui se cachait derrière son œil crevé, les raisons pour lesquelles il avait choisi de la vouvoyer, la manière dont il parvenait à ressentir par un processus de création…

Il aurait été dommage de laisser filer un sujet aussi intéressant.

Elle lui emboîta le pas sans prononcer un mot.

Résumé:
Anonymous
Invité
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Jeu 20 Oct - 0:51
« Oh… »



« C'est une belle illusion. »

Turner haussa les épaules. Toutes les raisons de vivre n'en étaient-elles pas ? Après tout, quoi que l'on fasse, on finit immanquablement par mourir. Et même laisser sa trace sur le monde n'a aucun intérêt si on ne peut voir le résultat. Oui, c'était une belle illusion. Mais il avait décidé de s'y accrocher, parce qu'il n'avait pas d'autre prise. Et il n'avait pas la force de mettre fin à sa propre vie.

L'art aurait pu n'être qu'un passe-temps pour lui, une manière d'attendre la fin de sa vie sans s'ennuyer. Mais contre toute attente, l'art s'était révélé intéressant. Mystérieux. Le passe-temps était devenu quête, infinie mais ô combien attrayante. Turner savait pertinemment qu'il n'avançait vers rien. Il n'y avait pas de but. Mais il avançait, et c'était l'important. Turner avait découvert que le but n'a pas d'importance. Mais le voyage...

Turner s'arrêta à nouveau, mû par l'inspiration. Il sortit son carnet et, sans se retourner, dit :

« Je vais vous dessiner. »

Ce n'était pas un ordre, juste une plate énonciation. Après tout, la demoiselle avait visiblement l'intention de l'observer, ils n'avaient qu'à s'observer mutuellement.

Il s'assit en tailleur au beau milieu de la rue et tourna son oeil valide sur Elsie.

L'art était un voyage. Les gens aussi, lui avait-on dit. Turner avait décidé de lier les deux. Il créait des ponts vers les gens par le biais de son art. Il les comprenait en les observant, et en captant, de la pointe de sa mine, chacun des traits de leur visage. Et de leur être. De son pinceau, il fouillait leur essence pour en retirer les couleurs. Les gens en tant que sujets étaient profondément ennuyeux. Plats. Stéréotypés. Les gens en tant qu'objets étaient une source d'inspiration infinie.
Parler aux gens était surfait, en quelque sorte. Comprendre un regard avait toujours eu beaucoup plus d'attrait aux yeux de Turner. Les yeux rouges de la demoiselle étaient posés sur lui. Il lui renvoya son regard.

Résumé:
Anonymous
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Lun 31 Oct - 13:07
Il s'était arrêté. Ce n'était pas à cause de l'une de ses paroles, cette fois. Elle n'avait pas prononcé un mot depuis qu'il s'était remis en marche… Alors pourquoi ? Ne souhaitait-il pas se débarrasser d'elle, comme finissaient toujours par le faire les gens qu'elle étudiait? Avait-il renoncé à la semer ? Son comportement était curieux. Peut-être était-il lui-même curieux.

« Je vais vous dessiner. »

La dessiner ?
Dessiner ce corps de fillette abîmé par les tempêtes ?

Il s'était assis au milieu de la rue et la fixait maintenant avec une attention particulière. Elle croisa son regard. Il semblait différent de celui qu'elle avait déjà pu observer. Il ne la contemplait probablement plus en tant que personne, mais en tant que sujet.

Elle n'aimait pas ce regard. Il avait quelque chose de dérangeant.
Elle aimait encore moins l'idée d'être dérangée par un simple regard.

« Pourquoi ? »

Elle baissa les yeux.
Le mot lui avait échappé.
Cette question naïve était sortie malgré elle.

Allait-il encore trouver un semblant de raison de vivre en reproduisant ses traits ? C'était peut-être cette perspective qui la dérangeait, plus que le regard. D'une certaine manière, elle avait l'impression d'être utilisée…

Elle soupira. Cette pensée n'était pas rationnelle, elle n'avait pas raison d'être. S'il souhaitait la dessiner, elle n'avait aucune raison valable pour s'y opposer.

Elle se laissa tomber à son tour sur le sol et sortit ses notes de ses poches.

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