☮ JOY AND LEMONS ▬ Leoran.

Description

Leoran, ou "Leo", n'était pas le genre de personne que beaucoup appréciaient. Sa compagnie pouvait se révéler très agaçante, et pour cause : le jeune homme ne se taisait sous aucun prétexte, jamais il n'en finissait avec les questions, les remarques et les blagues Monsieur-Madame. On ne pouvait l'apprécier que si on détestait en échange le silence et le calme. Il n'avait rien de méchant, bien au contraire, il était gentil, mais vous savez ce qu'on dit, trop de gentillesse tue la gentillesse, et à force, les gens ne voient plus que ça, ils ne voient qu'un jeune garçon qui va apprécier venir les embêter et rompre le calme et la tranquillité dans laquelle ils se complaisaient. Il était trop pénible, trop collant et trop bruyant pour qu'on puisse apprécier une balade en sa compagnie, ou même un simple repas, sans redouter le moment où il saisirait vivement sa cuillère pour vous envoyer sa part de pudding dans la figure, ceci dans l'unique but de déclencher une guerre et animer un peu l'ambiance. Il était donc isolé et sans amis, mais cela ne le dérangeait pas plus que ça. Il riait, il riait tout seul et il s'inventait des amis avec qui il jouait, sans se départir de sa joie de vivre, qui n'avait donc aucun risque d'être aspirée par la morosité des personnes qu'il aurait pu côtoyer. Peut-être qu'au fond il était un peu triste de se retrouver seul tandis que les autres parlaient et riaient dans la cour, et même s'il l'était, il ne le montrait aucunement. Et il faut savoir que si Leoran ne montre pas une quelconque émotion, c'est parce qu'elle n'est pas assez forte pour mériter d'être dévoilée au grand-jour. Leoran aime s'exprimer et se faire remarquer, ça on l'aura compris. Mais puisqu'il n'avait pas cherché plus de compagnie que ça à compter du moment où il avait compris qu'il insupportait les gens, il avait rapidement été oublié, ses rires et les blagues qu'ils se faisaient à lui-même n'était qu'un bruit de fond comme un autre, comme la voix du présentateur du journal télévisé dont on se contrefiche pendant le repas.
Or, quand la télévision est éteinte, on se retourne toujours pour râler après la personne qui a appuyé sur le bouton de la télécommande. C'est ce qui s'est passé pour Leoran. Mais il n'y avait pas de télécommande, sinon qui aurait appuyé sur le bouton ? On ne sait pas. Leoran avait juste disparu. Parti.


Un rêve, ça n'était qu'un rêve, bien évidemment. Qu'aurait-ce pu être d'autre ? Une réalité, étrange, étonnante, presque effrayante ? Bien sûr que non. Ce n'était qu'un énième rêve, rempli de choses étranges, joyeuses ou effrayantes, un énième songe où l'on retrouvait les choses bizarres et amusantes que Leoran appréciait tant. Mais les secondes passaient, et elles suffisaient au jeune homme pour se rendre compte que ça ne se finissait pas, qu'il ne s'éveillait pas, et ce même après s'être violemment cogné la tête contre le mur sur lequel il avait atterrit en ayant trébuché sur ses propres pieds. Il s'était retrouvé dans un vieux magasin de jouets qui semblait abandonné. Mais après tout, c'était déjà mieux que de se réveiller dans un abattoir, n'est-ce pas ?

Il ne s'est pas recroquevillé dans un coin en fixant le sol et en tremblant, non. Il est sorti, ses grands yeux désormais jaunes pétillant de malice et d'excitation. Il a vu le ciel rose, ce qui l'a déjà séduit. Il a passé une main dans ses cheveux dorés, et senti quelque chose d'étrange sur sa joue. Il a passé sa main dessus, encore et encore, son sourire enfantin a disparu. Il a tout d'abord pensé à une blessure, mais ça ne faisait pas mal, sauf quand on tirait dessus. Après avoir caressé une bonne vingtaine de fois l'épaisse couche de matière qui recouvrait sa joue, il en vint à la conclusion que c'étaient des écailles. Une belle plaque d'écailles, et du coin de l’œil, il apercevait leur couleur jaune éclatante, qui correspondait à merveille à la couleur de ses cheveux. Oui, ça l'a effrayé, plus que le ciel et que ce nouvel environnement n'aurait pu l'effrayer, mais bien vite, une nouvelle excitation vint recouvrir ce sentiment. La peur, cette peur, ça n'était qu'un vulgaire mouton de poussière que l'aspirateur qu'était son bonheur venait absorber avec une facilité épatante. Surtout que ça n'avait aucune, strictement aucune importance, comment il était désormais. Ce qui l'intéressait, c'était comment le monde autour de lui était.

Et en noyant toute sa peur et sa confusion sous son excitation face à ce nouvel environnement, il a juste marché. Pour découvrir d'autres choses, parce que c'est sûrement ce que Leoran préfère. Découvrir, explorer, s'étonner et s'épater.