[Event 1] Mon salut contre un ticket

Surpris par ma victoire à la tombola—la toute première de ma vie—je n'eus même pas le temps de réaliser ce qui m'arrivait qu'une foule frénétique se pressait déjà autour de moi. On me l'avait bien dit, cette enveloppe contenait deux précieux tickets, sésames pour le très attendu bal de fin de journée. Et bien sûr, tous ceux qui avaient eu la chance de se trouver à proximité, ou ceux qui s’étaient frayés un passage à coups de coudes bien placés, essayaient maintenant de se faire remarquer, chacun se proposant pour m’accompagner.

Quel idiot j'avais été de répondre un "non" innocent à la question : "Avez-vous un partenaire pour le bal ?" Maintenant, je me retrouvais assailli de toutes parts, des inconnus se bousculant autour de moi, certains me proposant même leurs services d’accompagnateur pour aveugle. Nour, blottie dans mes bras, tremblait à cause de toute cette agitation. Je sentais moi-même la panique monter. Le vacarme m’assourdissait, des mains me touchaient de toutes parts. Ma tête commençait à tourner.

Il fallait que je sorte de là. Mais comment ? Je ne pouvais ni voir ni me frayer un chemin à travers cette marée humaine.

S'il vous plaît, quelqu'un... Aidez-moi.

『』 Messages : 129 Date d'inscription : 21/09/2019

Insignifiant.
Dans la foule.
Qui se presse.
Dans la foule.
Qui oppresse.

L'on me voit.
Sans me voir.
Invisible.

Alors je m'approche.
Doucement.
Prudemment.

Visage familier.
Désemparé.
Un animal pris au piège.
Dans un étau qui se resserre.
Inclusion.
Dans ses bras, un animal.

Mes doigts effleurent son bras.
Toucher de plumes.

Un silence.
Pour seule présentation.

Mes doigts effleurent son poignet.
Prise délicate.
Comme l'on cueille un oisillon tout juste sorti du nid.
Comme l'on ouvre la cage d'un oiseau captif.

Je l'entraîne avec moi.
Loin de la cohue.
Loin du brouhaha.

Ils le suivent.
Pourtant.
Ils le poursuivent.
Un temps.

Il est avec moi.
Ils l'oublieront.
Comme moi.

Déçue d’avoir perdu une deuxième fois au chamboule-tout, Marie-Suzanne hésitait entre aller à la tombola et rentrer chez elle. Elle manquait d’espoir de gagner la tombola et ainsi de recevoir 2 tickets pour le bal, mais si elle gagnait la tombola et ratait le moment de sa victoire, elle risquait de ne pas avoir les tickets. En même temps, même si elle les avait, la fatigue d’avoir cherché un ticket commençait déjà à l’envahir. (Je me demande si une boisson ne joue pas là-dedans.) Alors qu’elle y réfléchissait, une vague d’excitation la prit. A force de subir les effets du jus d’orage alternatif, elle s’y était habituée. (Elle a aussi bu 2 autres boissons à la buvette, j’espère qu’elle ne prendra pas trop cher…) Toutefois, cette excitation soudaine la convainquit d’aller écouter les résultats à la tombola.

Marie-Suzanne attendit avec impatience les résultats. Quel objet cet homme allait-il piocher ? Serait-ce son collier de perles chantant ? (Par pitié, non…) Malheureusement, l’homme piochait plutôt des lunettes noires. De simples lunettes noires. Pourquoi les piocherait-il à la place de son bijou à la voix enchanteur ? (Je le comprends…) Une lueur d’espoir s’offrir à elle. Le gagnant a 2 tickets, elle pourrait lui demander d’être sa partenaire pour le bal. Mais elle ne serait pas la seule personne à avoir cette idée, donc elle devrait être la plus convaincante.

Très vite, elle se rendit compte d’où est le gagnant. En revanche, il était caché par la foule n’arrêtant pas de lui parler. Elle se sent mal pour le malheureux. Elle déteste la foule qui étouffe et envahit les gens. (Il y a de quoi mourir, là-dedans.) Du brouhaha qui en sortait, elle entendait parfois des « Je suis un guide pour aveugle ». Le gagnant est aveugle ? (Les connards, profiter d’un handicap comme ça…) Être submergé par cette foule lui semblait être pire, dans cette condition.

Alors qu’elle allait intervenir, elle vit un fantôme sortir vite de la foule en tirant avec lui un homme blond tenant une sorte de renard. (Je suis presque sûr que c’est pas un renard.) Les gens leur couraient après, ce qui la fit penser que l’un des deux est le gagnant. Probablement l’homme blond blond, puisque l’autre est un spectre. (Mais il n’y en a pas, dans l’Esquisse, si ?) Le gagnant était dans le pétrin avec la foule. Quant au fantôme, le sauvait-il vraiment ou l’emmenait-il dans un autre péril ? Quoiqu’il en soit, la licornienne se dit qu’elle devait les aider. Et si le spectre est maléfique, elle sauvera le blond de ses griffes. (Elle compte faire comment, pour battre un fantôme, alors qu’elle n’a pas de pouvoir magique dans l’Esquisse ?)

Elle rejoignit la foule comme si elle était des leurs, puis cria à pleins poumons :

« Il a fait tomber ses tickets ! »

Marie-Suzanne vit des personnes s’arrêter autour d'elle, non sans faire du bruit. Ils cherchaient les tickets par terre en se disputant les uns avec les autres. La princesse s’écarta alors discrètement de la foule. (En temps normal ça devrait pas être possible, mais vu comment les gens tendent à être dans l’Esquisse…) Malheureusement, elle aperçut d’autres personnes sorties de la foule continuer leur poursuite des jeunes hommes.

Alors que la panique m'envahissait sérieusement, un contact inattendu me surprit. Une main se posa doucement sur mon bras, et un léger frisson le parcourut. Cette douceur contrastait vivement avec le brouhaha agressif qui m'entourait. La main agrippa mon poignet avec une assurance délicate. Emportés par la foule, nos deux mains restèrent soudées. Grâce à cette intervention, je fus emporté au loin, loin du tumulte qui menaçait de m'étouffer.

Cette sensation sur mon poignet, cette odeur familière, éveilla en moi une étrange impression de déjà-vu. J'avais la certitude d'avoir déjà rencontré cet homme, mais malgré mes efforts, son souvenir restait flou et insaisissable. C'était une sensation troublante, comme un souvenir qui flottait juste hors de portée.

Je n'eus pas le temps de m'attarder sur cette impression étrange qu'une deuxième personne intervint. Une femme cria soudainement que j'avais laissé tomber mes tickets, détournant aussitôt l'attention de la foule. En un instant, la masse se rua loin de moi, des cris de bagarre remplaçant le brouhaha assourdissant.

Pourtant, un petit groupe, plus perspicace, continuait de se diriger vers nous. Curieusement, sans raison apparente, ils semblèrent soudain désorientés. Leurs pas dévièrent, et leurs voix, qui se faisaient menaçantes, se perdirent dans des banalités, comme s'ils avaient soudainement oublié leur but.

« Merci beaucoup, je ne sais pas ce que j'aurais fait sans toi ! » soufflai-je, encore sous le choc.

Nour, sentant que le danger était passé, s'échappa de mes bras pour explorer le sol, reniflant notre mystérieux sauveur. Étrangement, elle semblait totalement à l'aise en sa présence, comme si elle le connaissait déjà. Encore un mystère.

« Je m'appelle Cécilien. »

Je me tournai alors vers la direction d'où provenait la voix de la femme qui m'avait également aidé.

« Il faudrait que je remercie cette demoiselle aussi. Est-ce que ce serait trop te demander de m'y accompagner ? Tu sembles avoir un don pour éloigner les malintentionnés. »

Je n'attendais pas vraiment de réponse. Une intuition étrange me soufflait qu'il ne parlerait pas, que ce silence faisait partie de lui. C'était déroutant, mais je savais qu'il me suivrait, en silence, tout comme il avait fait jusqu'à présent.

『』 Messages : 129 Date d'inscription : 21/09/2019

Derrière nous, un cri.
Foule désorientée.
Distraite.
Elle cherche ce qu'elle ne peut trouver.
Bientôt dispersée.

Moins de poursuivants.
Moins d'âmes intéressées.
Moins de regards avides.

Je l'entraîne encore.
Un peu plus loin.
Hors de vue.

Jusqu'à ce qu'ils oublient.
La raison de leur course.
Le sujet de leur convoitise.
Alors seulement, je m'arrête.
Face à lui.

Reconnaissance anonyme.
Envers celui qui est redevenu un étranger.

Souffle court.
Mais la peur ne l'emprisonne plus.
Seul le silence lui répond.
Il l'accepte pourtant.
Un souvenir.
Une évidence.

Doigts déliés vers sa compagne féline.
Je flatte ses oreilles.
Elle sent.
Elle sait.
Confiance.

Je connais son nom.
Cécilien.
Lettres creusées dans sa paume.
Il a oublié le mien.

Je maintiens le contact.
Joug léger sur son poignet.
Pour qu'il sache que je suis là.
Pour qu'il sache que je reste avec lui.
Pour exister.

Et je le suis.
En direction de la voix.
Féminine.
Presque sucrée.