Camion n°2

La violence j'en ai déjà vu. Mais la quand même le docteur, pourtant calme, qui n'a pas le temps de finir sa phrase médicale de pouls stable, respiration… qu'il se fait jeter au sol me tire une exclamation de surprise. Les bidonvilles je connais. J'y livre aussi voire plus souvent qu'en Ville. Je sais que c'est pas rose tous les jours c'est pas pour rien que j'ai des armes hein. Mais la démonstration de puissance la elle me semble plus qu'exageree ! Sans compter le mec qui m'attrape façon sac à patate.

Eeeeeh non mais ça va j'peux marcher seule !

Ça arrange pas l'ambiance. Sitôt pose je réponds à la question enfin j'essaie. Mais oui je vais bien et C'est un cri d'horreur qui sort de ma gorge, et environ deux secondes de silence alors que l'helico monte.

MAIS BORDEL DE COUILLES A QUEUE VOUS ÊTES CINGLÉS?! VOUS TIREZ SUR DES GENS ET APRÈS VOUS VOUS ÉTONNEZ QUE CE SOIT LE BORDEL ?! PUTAIN IL ÉTAIT EN TRAIN DE SOIGNER MA SŒUR CA MÉRITAIT UN COUP ÇA ?!

L'imprecation est digne des grands moments de crevette. Bon à part la voix dans les aigus et le fait que je tremble méchamment. Vesa? Le camion? Rien à secouer. Je me colle au brancard ou est ma sœur, et je lui attrape le bras et je la. Lache. Pas. Et le premier qui essaie de me déloger je le mords.

__–Pour les agents de la COSHA, Effie n’était qu’une livreuse, incluse sur la liste des personnes à secourir que parce qu’Andovar l’avait précisé. Et il ne l’avait fait que parce qu’elle s’était rajoutée à cette mission. Celle qui avait embarqué Effie, apparemment la responsable, répondit donc avec un certain flegme :
__–« Je n’ai pas de comptes à vous rendre. Vous pouvez toujours remplir un formulaire de réclamation si vous avez une remarque à faire sur une prestation de la Compagnie. Notre service client se fera un plaisir de l’étudier. »
__–Ce n’était même pas de l’ironie. Elle devait avoir appris cette phrase par cœur et la ressortait comme elle respirait.
__–Le personnel médical n’était pas spécialement dérangé par Effie – si elle s’était saisie de la tête de sa sœur, il en aurait été différemment –, aussi continua-t-il ses manipulations : un scan de l’intégrité de la boîte crânienne de Crevette et une inspection sommaire de l’état du reste de son corps. L’aide-soignant lui expliqua la situation, toujours sur un ton assez neutre :
__–« Elle s’est prise une balle de fusil rail sur le front, mais elle a eu beaucoup de chance. Le projectile n’a pas traversé. Le choc l’a fait tomber dans les pommes et avec la chute, elle aura des hématomes et des éraflures. Il y a un risque de commotion cérébrale, on va devoir la garder pour vérifier ça et réparer les dégâts si nécessaire. Elle a vu bien pire, dans une semaine maximum, elle sera debout. Et vous, vous n’avez rien ? »

Je me laisse tomber au sol, soulagée. Est-ce que moi j'ai quelque chose? Euh... J'ai même pas pensé.

Des bleus et des égratignures. Rien de grave. Et probablement des cheveux blancs...

Des blessures que je ne soignerai même pas si je me les faisais dans mon travail, si ce n'est par mettre un peu de crème ce soir. Quand à la plaisanterie sur les cheveux blancs, c'est plutôt pour redescendre la pression. On a réussi, du coup? Et Titine?

Merde, Titine!

Elle est pas pilotée vu que je ne suis pas dedans! Bon, ben je clipse mes astrettes sur mon casque, et rejoins la SX. Et de là le programme de livraison de l'agence. Et de là le pilote automatique de Titine. Ce n'est pas la première fois que je la pilote à distance, pour justement qu'elle aille se garer quelque part... Et sinon, y a toujours un truc qui me turlupine avec ce camion...Et les snipers... Voyons, y a eu un tir sur Vesa, le second sur Crevette, les deux espacés de moins de trente secondes. Le véhicule avait donc avancé de 50m. A celà j'ajoute l'angulation des tirs...Ca fait pas un très gros triangle, mais un triangle quand même... Voyons sachant que j'ai sauté du camion juste avant la borne 104, trois secondes plus tôt on était... Et donc quand Vesa a gueulé, ça donne quoi... Oui, je me fais ses noeuds au cerveau...