Un épisode à la plage ! [Songe "Martagore"][Ouvert à tous]

Si la Tempête en avait particulièrement satisfait un, c'était Eelis. Pourquoi ? Eh bien, à le voir dessiner des affiches artisanales sur le dos des gargouilles qu'il avait adopté au Jour 16 avant de les lâcher autour de lui, on pouvait en déduire qu'il n'avait pas perdu le nord.

En d'autres termes, la mission du jour était la suivante pour notre brave blond en bermuda : rameuter tout le monde au Bar, car on ne manque pas une telle aubaine de faire du chiffre. Il avait donc "emprunté" quelques tables et chaises dans la salle de réunion, que de toute façon personne n'utiliserait dans une telle canicule, afin de marquer son emplacement.

Petit bémol, cependant : la mer au loin était très tentante et, en l'absence de serveur, il était bien contraint de choisir entre le bar et la fraîcheur de l'eau...

Du moins tant qu'il ne recrutait pas quelqu'un à la volée.

Après les récents évènements, Hadès avait besoin de détente. Il lui fallait un moment à lui, pour se retrouver en quelques sorte... Et cette plage était exactement ce qu'il fallait.

Il arriva donc sur la plage avec son short de bain et sa serviette à l'épaule, qu'il étendit sur le sable chaud. Plus loin, il y avait une silhouette, ainsi que des tables et des chaises. Mais une rencontre était-elle nécessaire ? Non. Hadès s'allongea sur sa serviette et ferma les yeux.

Striky avait été particulièrement surpris de constater qu'il portait un maillot de bain à froufrous en se réveillant. Et aussi de constater qu'il apercevait la mer au loin, depuis une fenêtre de la Base. Il avait été très surpris, oui, pendant environ trois minutes. Puis il avait juste été excité et, oubliant qu'il portait un maillot de bain viril à souhait (de toutes façons, il n'était plus à ça près, si ?), il avait couru hors de la Base et s'était précipité vers la mer.
Des risques ? Quel risques ? De toute évidence, il n'y avait aucune chance pour que la mer soit acide, ou qu'elle abrite des Objets, ou quoi que ce soit du genre. Oh wait.

Incroyable, il avait encore perdu le chemin de son labo' ! Sa mémoire de septuagénaire recommençait à lui jouer des tours, décidément... Mieux, il avait même perdu ses sapes ! Il ne lui restait plus que le caleçon imperméable qu'il n'était pas sûr d'avoir jamais porté. Et ses lunettes, fort heureusement. Il n'aurait pas eu l'air assez stupide, sans.

Tant pis pour les fringues, et tant pis pour le labo'. Non pas que l'idée de se détendre plût grandement à Nõd, mais celle d'aller se rafraîchir au bar suffisait bien. Car il faut se revigorer, quand on a bien travaillé. Et il avait certainement bien travaillé, s'il était là - rien de religieux dans cette dernière pensée, juste le sentiment de s'être endormi sur la route sans question aucune sur la destination de la dite route.

Et puis bon, le type du bar avait l'air sympathique. Il avait de la barbe et des lunettes. Aucune raison de ne pas lui faire confiance. En tout cas, aucune raison de lui faire moins confiance qu'aux marmots qui traînaient sur la plage.

Une plage ? Ah, oui, il devait s'être sacrément paumé.

Le pèlerinage de Bubulle le mena jusqu'à cette plage, il ressentit alors une irrésistible envie de s'allonger sur le coté puis ne bougea plus. Bubulle venait de s'échouer.

Je ne savais pas comment j'étais arrivé là ni pourquoi mes vêtements avaient été troqués contre ce short de bain au motif de fruits mais pas le temps de réfléchir. Si quelqu'un me voyait torse-nu - et surtout sans ma batte... Rien que d'y penser... Ah !

Je décidai donc de m'enterrer dans le sable, ne laissant que ma tête dépasser.

- Kha ha ha !

« Ah, ces jeunes... Il me rendent nostalgique, pas vous ? »

Eelis s'était adressé au seul qui n'avait pas affiché un désintérêt absolu vis à vis du Bar - en somme, le premier client de la journée ! Un papy à lunettes, comme lui, venu profiter des douceurs de la plage.

« Qu'est-ce que je vous sers ? »

Heureusement pour notre bonhomme, la Tempête avait été clémente, et Eelis n'avait pas fait qu'installer ses tables au milieu du sable. Un tas de bouteilles fraîches (des liquides qui restent glacés malgré la température, tout l'or du capitaine, ou tout le trésor de l'Esquisse !) attendait sagement, du moins on pouvait l'espérer, d'être ouvertes puis englouties.

Prochaine étape : convaincre le badaud qu'il avait tout le talent nécessaire pour gérer provisoirement un bar.

La nostalgie, un concept dont Nõd ne connaissait que la définition du dictionnaire - et encore, c'était pour savoir le rentrer dans les mots fléchés. Se faire servir à boire, en revanche, il connaissait. Les seniors qui sirotent ensemble une bouteille d'alcool en surveillant les marmots qui jouent dans leur coin parce qu'ils n'ont pas l'âge d'en boire et qu'ils ont généralement siroté leur jus de fruit d'une seule traite, voilà quelque chose qui parlait au vieillard. Il n'avait jamais eu d'enfants, ni n'en avait jamais gardés, mais il lui était arrivé d'être la connaissance qui poussait les parents à s'attarder sur la terrasse. En somme, ça ne changeait pas beaucoup, vu qu'il ne connaissait pas la marmaille qui jouait sur la plage.

Donc, euh... commander à boire.

« Vodka. »

En fait, il ne savait pas du tout ce qu'il pouvait bien y avoir à boire dans un bar esquisséen... en vérité, il n'en avait jamais vu. Peut-être n'y avait-il que des boissons inconnues, auquel cas il n'en connaissait par conséquent pas les noms. Et comme, statistiquement, une boisson au nom parfaitement aléatoire a autant de chances de s'appeler "Vodka" que "Skénéphênakistis", il était gagnant dans tous les cas.

La plage et la mer à perte de vue ! La jeune femme regardait le paysage, les yeux plissés, perplexe. De ce monde, elle s'attendait bien à tout, sauf à des vacances. Alev avait eu beau chercher partout, elle n'avait pas retrouver ses vêtements, et n'était désormais vêtue que d'un maillot de bain deux pièces. Quant à son carnet et son stylo, ses deux fidèles acolytes étaient toujours entre ses doigts.

Elle esquissa quelques pas de plus sur le sable, avant de ramasser un sceau qui trainait non loin d'elle. Il ne lui restait plus qu'à faire un château de sable !

« Excellent choix ! J'arrive tout de suite ! » répondit immédiatement Eelis, armé d'un sourire de vendeur.

Tandis qu'il s'éloignait, puis se baissait, pour choisir dans sa "réserve" la bouteille commandée, il se rendit rapidement à l'évidence. Ces bouteilles, bien que fort jolies, ne possédaient pas le moindre label, sauf si les petits dessins présents dessus étaient censés former une indication. Et dans ce cas, Eelis était le fier propriétaire d'une bouteille d'alcool aux ours - ou au "quelque chose" d'ours.

Mais pas moyen d'avouer à la clientèle qu'il n'avait strictement aucune idée de ce qu'il mettrait dans leur verre, ohohoh ! Il prit donc la bouteille "écureuil" (parce que écureuil => noisette => châtaigne => un composant possible de la vodka) et, s'emparant d'un grand verre au passage, pria pour que le vieil homme ne rende pas publiquement l'âme, ou ce serait un désastre.

« Recette spéciale ! J'espère que vous apprécierez. »

Pas loin d'eux, une jeune femme semblait s'être lancée dans un château de sable... Une nouvelle opportunité à saisir ?

Recette spéciale ? Il mettait du bourbon, dedans ?

Nõd goûta donc la mixture sans grande conviction - ce qu'il aurait probablement fait de toute façon, en fait. Elle avait effectivement un goût tel que le savant se demanda s'il ne valait pas mieux s'en servir de carburant. Puis, après les quelques secondes qu'il fallut à ses vieux réflexes engourdis pour réagir, il se mit à tousser violemment pour essayer de recracher le tout dans son verre. Non seulement le goût était immonde, quoique pas aussi mauvais que celui de la céramique, mais la boisson était atrocement relev-

Du carburant ? Tiens, mais c'était pas une mauvaise idée, ça. Sans plus penser à l'enfer intérieur qu'il venait de vivre à peine trois secondes plus tôt, ce qu'il justifiera par le fait que le temps est tout relatif dans l'Esquisse, Nõd s'adressa de nouveau au barman.

« Sans rire, qu'est-ce-que vous avez mis, dedans ? »

Peut-être qu'il pourrait exploiter la recette pour créer l'essence du futur, garantie sans effets secondaires pour qui la boirait, ou du moins pas encore diagnostiqués.

Il faisait plus chaud qu'elle ne l'avait cru. Bien plus chaud. Et même si son activité restait des plus enfantines, cela restait tout de même éprouvant, sous un tel soleil. Alev leva la tête vers le ciel bleu, se permit de soupirer, tout en songeant qu'elle ne comprendrait sûrement jamais ce monde, même si elle y consacrait toute sa vie pour tenter d'y parvenir.

La soudaine quinte de toux d'un vieil homme la fit émerger de cette triste pensée, et l'égyptienne tourna la tête vers la petite scène devant elle. Un barman venait de servir une boisson au dit vieil homme. Haussant les épaules, elle décida de faire une pause, et se dirigea vers les deux hommes, et les salua d'un signe de la main.

-Bonjour ! Alalah, il fait une de ces chaleurs... Ca donne soif !

Oui, bon, il fallait bien entamer une conversation. Même si la tentative était bien bancale. Enfin... Elle s'adressa ensuite au barman :

-Vous n'auriez pas quelque chose comme un jus de fruit ?

« La recette est justement spéciale car elle est tenue secrète ! assura-t-il avec un petit air de commercial. Manquerait plus qu'il avoue qu'il lui a fait boire quelque chose dont il ignorait les caractéristiques. Pour le savoir, il faudra en reprendre un verre !et le payer »

La jeune femme au château de sable se ramena vers eux, et si Eelis crut d'abord que c'était en réaction à la toux du vieillard (il en faut peu pour coller un procès, dans ce pays, vous savez..), il sembla qu'il s'agissait simplement d'une nouvelle cliente.

« Bonjour ! En effet, c'est la canicule ! » répondit-il, parce qu'il faut toujours exagérer les choses pour aller dans le sens des clients. Quant au jus de fruit, il hocha la tête en souriant, avant de se retourner élégamment vers sa pile de bouteilles. Allait-il jouer une fois de plus à la roulette russe et utiliser la bouteille où était représentée dessus une banane ?

« Et voilà pour vous ! Du jus tout frais. »

Il semblerait que oui.

Le barman répondit à sa tentative de faire une conversation, et visiblement sa petite réplique avait ses effets. Ouf ! Elle n'aurait pas su où se mettre si personne n'avait saisi la perche une fois tendue. L'homme de l'autre côté du comptoir lui tourna le dos, le temps de lui servir le jus qu'elle avait demandé, et lui tendit le faire lorsqu'il fut servi.

-Merci !

Elle prit le verre dans sa main, puis le porta à ses lèvres. Lorsqu'elle en but quelques gorgées, Alev fut bien étonnée du goût. Ça lui était familier, mais ça ne ressemblait pas à du jus de fruit.

-Wow ! On dirait une mixture de légumes. C'est bizarre !

Elle avait l'impression de boire une soupe de légumes fraîches. Elle contempla le verre, mi figue mi raisin, puis en proposa au vieil homme toujours présent :

-Vous voulez goûter ?

Striky trempa le bout d'un orteil (le quatrième en partant de la gauche)(sur le pied gauche.) dans l'eau pour en tester la température, et s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un acide violent avant de se jeter tout entier dedans. Il s'appelait peut-être Striky, mais il lui restait un minimum d'instinct de survie. Rassuré sur la température (et le pH) de la "mer" (s'agissait-il vraiment de la mer, ou d'un lac d'eau salée ? Difficile à dire.), il entreprit donc de se jeter dans les vagues en criant (parce qu'elle était un peu fraîche, tout de même).
Après quelques minutes de joyeux et enfantins ébats, le super-zéro, en revenant vers le sable, trébucha sur quelque chose. Plus précisément, un humain. Enfin, à peu près humain. Le mec avait des écailles et, visiblement, des branchies, mais dans l'ensemble, il était humain. Et dans l'ensemble, il avait l'air inconscient.

"Monsieur ! Est-ce que tout va bien ?"

Sans attendre de réponse, il saisit l'homme sous les aisselles et commença à le tirer (lentement, au vu du ratio entre sa force et le poids de l'homme) sur le sable, loin des vagues.

Bubulle ne répondit rien parce qu'il avait du sable dans la bouche.