Histoire:

   La mémoire. Sans souvenirs vous n'êtes rien. Pas de passé, pas d'identité, pas de crimes. Vous êtes blanc comme neige. Innocent. Vous n’êtes rien mais vous pouvez décider de tout devenir. C'est presque beau non ? Une nouvelle existence offerte sur un plateau. L'occasion de relancer les dès. C'est ce qui arrive... le plus souvent, dans l'esquisse les souvenirs se font fugaces, ils ne sont guère plus que quelques anamnèses gravées au fer rouge dans cette partie de votre pauvre tête que vous vous êtes désormais incapable d'atteindre. Sans en connaître la raison exacte. Peut être avez vous fait une mauvaise chute ?

Maintenant imaginez l'inverse. Et si en arrivant vous aviez été assaillis de souvenirs, parfois doux, parfois violent. Des souvenirs bruyants, des souvenirs qui ne vous appartiennent même pas. Imaginez vous submergé par une nuée fourmillante d'informations. Des rires, des pleures, des cris, des chuchotements, des prières tardives, des vœux sans réels espoirs. Pourriez vous vraiment supporter ... ça … ?


Bien-sure il n'y avait pas de réponse à cette question, et toi tu ne le savais que trop bien. Dans un cri d'énervement étouffé, déchirer le petit bout de papier, abîmé par le temps bipolaire de ce monde tortueux, te sembla la seule alternative. La seule solution existante pour ne pas finir aussi fou que tout ceux que tu avais pu croiser ici. Dans l’exécrable cacophonie constante qui embrumait tes pensées, un souvenir ressortait plus que les autres. Il était pour toi l'équivalent d'une dague plantée dans l'échine. C'était celui de ton arrivée. Les autres appelaient ça le jour 6, va savoir pour quelle raison absurde leur calendrier ressemblait plus à un décompte désespéré des jours passés qu'autre chose. Toi tu n'avais fait qu'ouvrir tes yeux opalescents. C'est banal comme geste, tout le monde le fait sans réellement s'en soucier. Pourtant tu avais hésité longtemps, laissé là comme un vulgaire déchet, une douleur lancinante dans le cœur.  T'as jamais vraiment eu envie de te réveiller ici, t'aurais préféré qu'un objet quelque peu haineux tombe sur toi à cet instant pour te donner l'excuse d'avoir disparu sans trop de lâcheté. Malheureusement le seul que tu auras croisé d’assez près n’aura fait que te molester un peu avant que tu ne le laisses en plan.
Mais t'as quand même ouvert les yeux. C'était peut être ça ta plus grosse erreur au final, t'avais le choix, t'as fait le mauvais. T’aurais mieux fait de crever. Et ce ciel aquarelle de cauchemars a fini par te griller les neurones. Les informations qui y défilaient sur le moment tu les as juste enregistrées, gravées là pour l'éternité. C'était comme recevoir une grosse baffe, t'étais médusé, incapable de décrocher ton regard translucide des méandres tortueux que la folie de cet infini t'offrait. Des images en masse, des choses que tu n'aurais jamais voulu voir, c'était à qui ? Qui avait vécu ça ? Chaque foutues questions t’entraînait plus bas. Il fallait que ça cesse, il y en avait trop ! Mais tu n'en avais pas la force. Parce que tu es faible, tu te débectais toi même. Pourquoi tu t’accrochais comme ça hein ?

Et puis tout a fini par te monter au cerveau. T'étais déjà aliéné avant même d'avoir compris ce qui t'arrivait. T'étais foutu? Personne ne grave autant de détails inutiles dans sa mémoire. Personne ... Enfin ça t'en étais même pas sûre. C'était pitoyable non ? Engranger autant d'informations en si peu de temps sans être capable de les trier ou de les sélectionner. Tu contrôlais rien, ta mémoire était juste un fichu trou sans fin et y'avait pas de bouton off. Et le pire dans tout ça ? C'est que tu ne savais même plus vraiment qui tu étais. T'avais juste l'impression d'avoir glissé d'une falaise. De faire une chute lente et inexorable vers ta perte. Alors comme le gamin paumé que tu étais tu t'es roulé en boule pour hurler. Pour couvrir le bruit accablant du tourbillon de tes pensées.  C'est à ce moment là  que t'en a vu un pour la première fois, 'un objet' t'aura t'on dit plus tard. Pour toi c'était juste un panneau directionnel relativement mal léché, et obsédé par la question de ton futur itinéraire. C'était aberrant de toute façon, les panneaux indicateur n'avaient pas don d'élocution. Ça aussi ça faisait partie des choses dont t'étais persuadé. Alors à quoi bon répondre, tout ça n'était qu'un malheureux songe et tu allais bientôt te réveiller. Seulement, quand la chose a fini par te coller une rouste gratuitement ou pour ton absence de réponse, t'as enfin pigé que rester roulé en boule par terre en boudant le ciel n'était pas la meilleure option qui soit.

Du moins si il restait dans une parcelle de ton être le goût si prononcé que beaucoup partagent pour ce que l’on appelle communément : ‘ La vie’

Et c’était probablement le cas, car bien que chancelant et un peu plus traumatisé parce ce monde incompréhensible tu t’es mis à détaler comme un lapin. T’as couru un moment. T’étais même pas sûre que ça n’allait pas finir par te tuer pour de bon. Mais t’as couru jusqu’à t’en décoller les poumons en pleurant  dans l’espoir vain d’oublier. Oui c’est ça oublier, c’était ton vœux le plus cher, c’eût été plus simple. C’est mieux  quand on a pas de souvenirs, on embarque rien, on s’encombre pas … Et toi … toi t’en était même pas capable.  A part pleurer, fuir et bouder tu n’avais visiblement pas de grandes capacités. Et tu t’es essoufflé, là devant des ruines aussi rocambolesques que ceux qui semblaient les habiter. T’as croisé d’autres âmes. Tu les as fuit comme un froussard aux moindres paroles. Trop peureux de t’encombrer avec leurs histoires tandis que chaque détails que tu croisais  te donnait la nausée. Et t’as continué à te refermer sur toi-même, caché dans un coin vétuste de la ville qui va savoir pourquoi t’avais semblé plus accueillant que les autres, essayant tant bien que mal te garder en tête sans les noyer dans le reste les informations les plus essentiels.

Mais si au fond de toi tout ce que tu souhaitais c’était de fermer les yeux et laisser tomber. Donnant à quiconque  te demandait un nom celui d’Amnésie, car peut être qu’a force de l’entendre répéter ça finirait par t’arriver.

Physique:

Tu es tel un songe éphémère. A l’image de tes vœux constants d’oublis l’esquisse t’a rendu quasiment invisible. Pas transparent non juste, terne. Ta peau n’a pas vraiment de couleur définit, certain la qualifie d'un blanc pur et d’albâtre, toi tu la trouves surtout grisonnante quand au hasard de tes mélancolies tu t'amuses à en parcourir les multiples petites veines visibles du bout des doigts. Tu ressembles un peu à une plaque de marbre, ou à l'un de ces anges qui n'a de cesse de pleurer au dessus de la tombe d'un innocent. Pour le commun des mortels tu es probablement malade, mal en point ou au bord du gouffre, mais bien que d'une extrême fragilité ta petite silhouette t'as déjà porté te semble-t-il jusqu'au bout du monde. Ou du moins jusqu'à ces ruines dont tu as semble-t-il fait ta vielle masure.

Sur ton doux visage des yeux d'ambres opalins semble happer tout ce qui se trouve sur leur chemin quand un nez en trompette te donne des airs de gamine espiègle aux boucle d'or blanchies pas les affres du temps. Mais si joli soit ton minois, tu affiches constamment cette sombre expression d'un enfant qui a grandit trop vite et s'est perdu en chemin. Comme si tes épaules n'étaient que trop frêles pour supporter le poids du monde d'Esquisse. Peut être avant avais-tu une autre apparence, mais même si tu souhaitais t'en souvenir précisément ta mémoire était plus digne d'un Jackson Pollock que d'un tableau de la Sécession Viennoise.