Qiang Wei Brooks... Une rose en enfer [Terminé]

Les images des dernières heures passaient comme un film derrière ses yeux fermés. Elle entendait encore son souffle saccadé dans la voiture, et les douleurs qui lui tordaient le ventre. Elle avait l’impression que quelqu’un prenait plaisir à tirer et tordre ses boyaux, sans jamais se lasser. La ceinture de sécurité lui compressait le ventre, rendant cette douleur plus tenace encore. Sa main droite était accrochée au siège, ses ongles rentrant dans le tissu sombre qui le recouvrait, tandis que sa main gauche tenait fermement la poignée de la portière. Elle sentait les larmes perler au coin de ses paupières, mais ne s’en souciait pas. Son attention était focalisée sur le macadam de la route, et les élancements de son ventre. Quand elle tourna la tête vers sa droite, elle vit le sourire de son mari, qui se voulait rassurant. Ses cheveux châtains clairs lui tombaient devant les yeux. « Il aurait bien besoin de se couper les cheveux… » . Un éclair de douleur la tira de ses réflexions, et lui arracha un gémissement. Elle qui se retenait depuis tout à l’heure ! Le sourire s’évanouit sur les lèvres de celui qu’elle aimait, et il accéléra.
-Nous y sommes presque, dit-il d’une voix mal assurée.
Et c’était vrai. Il se gara dans un crissement de pneu sur le parking de l’hôpital, sans se soucier de la façon dont il était garé. Qiang Wei avait ouvert sa porte, et il était déjà là, à l’attendre à côté. Elle lui sourit et eut un petit rire.
-Tu es plus stressé que moi ! Je te rappelle que c’est moi qui vais y passer, pas toi !
Il n’avait rien répondu, et l’avait prise par la main pour la conduire jusqu’à l’hôpital, où il signala sa présence à une infirmière. La suite était floue dans l’esprit de Qiang Wei. Elle se souvenait vaguement avoir été transportée dans une chambre en urgence, d’un médecin qui lui parlait, même si elle ne comprenait pas un mot de ce qu’il disait. Puis la douleur. Des vagues de douleur qui lui transperçaient le bas ventre, et le personnel qui lui parlait, encore et encore, à moins qu’ils ne se hurlent des choses entre eux. Trois mots qu’on lui chuchote à l’oreille. Une main qui serre la sienne. Et, enfin, un dernier pic de douleur. Puis plus rien.
C’est à ce moment qu’elle s’était décidée à ouvrir les yeux. Elle était allongée par terre, sur ce qui semblait être un tapis de mousse. Mais ce qu’elle voyait au-dessus d’elle était plus impressionnant. Le ciel était d’un rose éclatant, et elle voyait des images et des mots passer à toute allure devant ses yeux. Elle essaya de s’y attarder, mais ce qu’elle y vit lui fit détourner le regard en grimaçant. Et c’est à ce moment qu’elle vit que la mousse sur laquelle elle reposait était tel l’arc-en-ciel, une débauche de couleur vive qui lui fit cligner des yeux. Elle pensa enfin à se relever, et se rendit compte d’une chose : son ventre était plat comme une crêpe. Elle ouvrit grand les yeux, et passa la main sur ce qui avait été un ballon il y a quelque temps. D’ailleurs, depuis quand était-elle là ? Et où était-elle, en fait ? Elle regarda autour, mais ne vit rien d’autre qu’une étendue rouge, verte, bleue, violette, jaune à perte de vue. Elle eut un sourire crispé. Plus elle observait le paysage, puis il lui rappelait les rêves étranges que faisaient son mari, et qu’il lui racontait chaque matin devant son bol de café au lait fumant.
-Bah, après tout, il me les a tellement racontés que mon cerveau a du tout réutiliser pour créer mon propre rêve…
Elle avait parlé à voix, un peu pour se rassurer. Ce n’était pas la première fois qu’elle faisait un rêve étrange, mais c’était la première fois qu’elle était seule. Et puis, autre chose lui donnait la nausée. Son bébé n’était plus là. Et cela l’inquiétait au plus haut point. Elle ressentait ce vide au creux d’elle, et cela lui brisait le cœur, même si elle savait qu’elle était seulement dans un songe. Elle se décida à chercher une présence, pour ne pas s’ennuyer. Parce qu’après tout, elle était dans un rêve, non ?