Friedrich porte avec difficulté quelques bûches de bois qu'il rassemble dans une rue sombre de la Ville. Il les pose à terre en un tas ordonné, arrange le tout et fouille dans sa robe pour en extraire un briquet. Il allume très rapidement un feu blanc qui s'embrase et illumine l'impasse. Même si contrairement à un feu habituel, celui-ci ne change pas du tout la température de la ruelle ... La nuit qui succède au douzième jour s'est levée il y a peu de temps. Il pose son épée à côté de lui et regarde le brasier.

Il arrange ses cheveux roses qui gênent sa vue. Il les hais, ces cheveux roses. Ils lui ont gâchés la vie. Autrefois, Friedrich était respecté et admiré pour ses étonnantes capacités de survie. Ancien soldat, il combattait farouchement l'Esquisse pour trouver la sortie, à l'heure où ce monde était encore un rêve. Mais une tempête est passée et a supprimé toute sa virilité et sa force. Il est passé d'un corps de grand homme brave à celui d'une jeune fille aux cheveux roses.

Laissé de côté, il ne pouvait que combattre. Il souhaitait retrouver son corps puis partir de ce monde. Il avait enlevé les affreux rubans roses de ses cheveux et de cette robe. Il avait découvert les secrets des Tempêtes. Mais on le prenait toujours pour une petite folle qui s'imaginait combattre l'Esquisse. Même après la Tempête.

Friedrich tente de regagner son calme, mais il ne peut que grincer des dents et taper férocement du pied en repensant à sa situation. Plus personne ne le prenait au sérieux. Il s'adressait au plus grand nombre de personnes pour parler de ses découvertes, mais personne ne voyait en lui un ancien soldat. Personne ne reconnaissait Friedrich.

Il jette une nouvelle bûche dans le feu et grommelle. Il espère que les objets ne seront pas de sortie ce soir. Jusqu'à présent, on l'avait laissé tranquille pendant cette ellipse de onze jours. Il avait pu montrer sa valeur durant l'assaut de la Ville, mais personne ne comprenait que c'était bien lui qui avait terrassé un ou deux gros objets à lui seul.

Soudain, un bruit. L'homme se redresse, marche dans le noir. Seul le crépitement du feu se fait entendre, mais le vétéran de l'armée allemande est sûr d'avoir entendu quelque chose bouger. Il tient entre ses mains une lame qu'il avait trouvé dans la Ville avant la Tempête. Il en avait vu des choses, depuis. Le Volesphëra, œuf volant qui avait entraîné le cataclysme. La tempête qui avait créée un énorme tunnel dans la Ville.

Il s'avance à tâtons. Il jette un œil de chaque côté, en direction des murs tenant seuls au milieu des ruines. Il ne voit rien. Il attend. Il se retourne. Il regarde. Rien. Il fait un pas en direction du feu quand il sent quelque chose se mouvoir dans son ombre. Un lave-vaisselle vert fluorescent qui souhaite l'avaler. Sans attendre, il serre le manche de son épée et attaque avec grande précision l'objet en colère.

Sans s'en rendre compte, Friedrich, connu pour son sang-froid, est porté par la colère qu'il éprouve de ne pas avoir son corps. Il porte des coups d'une rare force et utilise tout le potentiel de son corps. Heureusement qu'il a de l'expérience : c'est celle-ci qui lui permet de tenir. L'objet, après une salve d'attaques, s'arrête de bouger. Le soldat range son épée et sent le vent souffler sur lui, ses cheveux dénoués et sa robe suivant le rythme de la brise légère.

Il avance vers le feu qui illumine la rue. Il est déterminé. Il retrouvera son corps, tuera tous les objets et sortira de ce foutu monde. La détermination est la seule chose qui lui permet de ne pas céder face à ce monde, car il sait qu'il ne peut pas compter sur ce corps faible.