Ci-git la promesse de ne garder qu'un seul personnage.

Description

Les murs blancs et froids d'un hôpital. Les médicaments. La chimiothérapie.
Un quotidien épuisant, déprimant, triste de gris. Celui de Ansel. Il avait l'habitude, maintenant. On lui avait diagnostiqué la maladie cinq ans plus tôt, et l'espoir d'une guérison ne lui été jamais venue, ni à lui ni à ses parents, ni même aux médecins. Il lui avait fallut du temps pour l'assimiler, mais il avait fini par comprendre : son existence ne dépasserait pas les vingt ans. Ansel était un enfant joyeux, toujours prêt à s'amuser, à courir, à grimper aux arbres, à partir à l'aventure...
Ha, l'aventure. C'était vraiment ce qu'il regrettait le plus. Ne pas pouvoir partir à l'aventure avant son décès. Depuis sa plus tendre enfance, il avait dévoré tous les livres et films qu'il avait pu trouver incluant des voyages, de l'action, et toutes ces histoires qui faisaient briller ses yeux derrière ses grosses lunettes. C'était son plus grand rêve, devenir comme ses héros, ces personnages imaginaires et si fabuleux qui avaient bercé son enfance. Il aurait voulu faire les quatre-cent coups avec Tom Sawyer, partir sur les mers avec Long John Silver, explorer le grand Nord décrit par Jack London...  Il se destinait à ça et à rien d'autre. Aucune autre voie ne lui convenait. Il voulait partir et explorer le monde, voir ce que personne d'autre n'avait vu, faire ce que personne n'aurait osé faire. C'était devenu plus qu'une passion ; c'était devenu ce qui le maintenait en vie dans ce quotidien si lointain de la vie dont il aurait rêvé.
Mais il savait ces aventures impossibles. Dans un corps aussi faible que le sien, dans un monde aussi aseptisé que celui dans lequel il vivait, ses rêves ne resteraient que des rêves. Mais au moins, ils étaient toujours là, dans un coin de sa tête, à s'animer dans son sommeil pour peindre des couleurs là où les autres ne voyaient que du gris.

C'est là que l'Esquisse intervient.
Et, parfois, elle sait bien faire les choses. Étonnamment, elle peut se montrer généreuse, l'Esquisse. Ou peut être qu'elle fait juste n'importe quoi, et que le hasard fait bien les choses ?

Alors que Ansel s'était endormi dans sa chambre sombre, aux murs couverts de dessins et de posters, il s'éveilla en extérieur. Il sentit la terre parsemée de sable sous ses doigts, le vent sur sa peau. Il ouvrit les yeux. Des yeux non pas d'un vert terne, comme ils l'avaient été depuis sa naissance, mais d'un brun ambré des plus ravissants. Il se redressa. Encore un de ses nombreux rêves de mondes parallèles et d'univers merveilleux ? Ça y ressemblait fort, surtout avec ce ciel couleur bonbon, non sans lui rappeler les barbes à papa dont il raffolait tant. Le reste l'inquiéta un peu plus et le fit revenir à la raison : il se trouvait dans un désert, avec certes un peu de végétation, mais principalement du... du rien. Il se leva. Et constata que... le sol était plus bas qu'auparavant ? Ou alors il avait grandi ? Fait une poussée de croissance en une nuit ? Étonnant... Il baissa les yeux sur son corps, et la réalité lui sauta au visage : ce corps là était différent. Peau mate, cheveux châtains, grandes mains et bras robustes, même une barbe au menton. Il se sentait plus lourd, mais lourd d'une musculature taillée au couteau. Sa ridicule taille d'un mètre soixante devait maintenant approcher les deux mètres, donc oui, le sol paraissait autrement plus lointain. Et, alors qu'il ne portait pas les lunettes qui trônaient sur son nez depuis des années, il y voyait très nettement. Une seule explication lui vint : ce corps n'était pas le sien. Seul son esprit et ses souvenirs demeuraient les mêmes, son enveloppe corporelle était radicalement différente.
Plutôt que de paniquer, de s'inquiéter, il ne vit que des côtés positifs à cette métamorphose inattendue. Ce corps n'était pas malade. Il n'était pas myope, il n'était pas faible, il ne faisait pas un mètre soixante pour cinquante petit kilos. Il était robuste, agile et puissant.
Avec ce corps là, il pourrait partir, voyager, et vivre tout ce qu'il avait toujours rêvé de vivre.
L'aventure.
Et puis il y avait le fait qu'il portait un costard trois pièces sans doute très couteux.

Après ces constat des plus choquants, Ansel se résolut à regarder autour de lui, après avoir repoussé ce moment quelques secondes encore. Le sentiment de bonheur qu'il avait ressenti en découvrant son anatomie se dissipa pour laisser place au doute et à l’appréhension. Si il ne rêvait pas, et si il n'était pas sous acide... Alors il était dans un véritable désert... Sans eau, sans nourriture. Il observa l'horizon et fut surpris mais soulagé de voir un arbre se dresser à une trentaine de mètres. Observant l'herbe colorée sous ses chaussures neuves, il s'approcha de ce qui ressemblait à un petit baobab. Normalement les baobab sont d'une taille colossale, mais celui-ci était tout juste plus grand que le garçon, et, accessoirement, revêtait une écorce brillante, comme couverte d'argent, et des feuilles étincelantes. Ansel tendit la main et cueillit un fruit - il ignorait sur les baobabs faisaient des fruits, mais celui-là ressemblait à une grosse pomme argentée. Il approcha la pomme de son visage, la renifla--et la balança aussitôt aussi loin que son nouveau bras costaud le pouvait. Elle empestait le... le... il n'aurait pas su dir,e il n'avait jamais senti cette odeur. En tout cas ça canfrait sévère.

Ansel soupira. Ses espoirs de fabuleuses aventures risquaient de disparaitre à petit feu. Il resta à l'ombre de l'arbre - malgré qu'il n'y avait dans le ciel nul soleil pour l'éblouir - et contempla longuement les volutes bordeaux sur le ciel rose bonbon. Ca avait le mérite d'être joli, comme cette plante...
Mais si c'était pour mourir de faim et de soif ici sans avoir pu profiter des merveilles que cet endroit inconnu pouvait offrir, ça valait bien la peine de se réincarner dans un beau gosse !