Une lumière ici requiert une ombre là-bas.

Description

Ce qui est intéressant c’est qu’à l’heure où je commence ce récit je ne connais pas plus Carmen que vous. Elle dort encore allongée dans l’herbe, sa peau est sombre tout comme le sont ses cheveux. De bouclés à crépus il n’y a qu’un pas que la distance nous séparant m’empêche de franchir. Je m’avance un peu et je découvre la teneur indomptable de sa tignasse en même temps que l’étrangeté de la jeune femme. Recroquevillée sur elle-même elle semble presque intangible. Il semble que l’Esquisse ait apprécié croquer dans sa chair tendre car de la femme qu’elle a put être il ne semble rester qu’une ombre dense. J’avance ma main en sa direction, ah. Elle ne la traverse pas, qu’est-ce donc que ? L’Esquisse, bien sûr.

Elle s’éveille et m’offre un regard étoilé, mais celles qui l’instant d’avant brillaient dans ses iris semblent maintenant diffuser dans chaque parcelle de son corps nu. Ou peut-être habillé ? Si rien ne semble la couvrir l’étrangeté de sa matière ne me permet d’être affirmative sur ce détail. Elle ne semble pas me voir, ah. C’est vrai, j’oubliais que j’étais la narratrice.

En tant que narratrice je vais essayer de faire correctement mon taf et d’être un peu omnisciente. Ainsi je peux vous narrer les grandes lignes de la vie de Carmen : il n’y en a pas. Elle n’a marqué ni l’Histoire, ni son temps. Elle est une ombre dont personne ne se rappellera bientôt même le nom.

Elle a grandi en Espagne, à Murcia pour ceux qui aiment les détails géographiques sans importance. Elle ne faisait pas partie d’une famille aisée, mais aimante. Elle n’a pas fait d’études, en son temps les études n’étaient de toute manière pas accessibles aux femmes, et certainement pas dans sa famille. Croyante, pieuse. Elle s’est mariée tôt, a eu cinq enfants et une vie remplie de travaux ménagers. Tiens maintenant qu’on en parle elle a dix petits enfants et quatre arrières-petits-enfants dont elle ne se souviendra pas. C’est beau l'Esquisse.

Elle a vécu sous Franco, alors j’vous laisse deviner combien elle a appris à critiquer l’autorité. On ne lui a pas enseigné la liberté ; sur terre elle a pourtant nommé ainsi les bribes qui lui en étaient accordées. Elle apprécie ce qu’elle possède sans jamais se permettre de rêver à ce qui est hors de sa portée. Un caillou offert par un de ses arrières-petits-enfants est à ses yeux le plus somptueux des présents. C’est d’ailleurs ce trait de caractère qui lui permettra de vivre pleinement son aventure dans l’Esquisse : sa capacité à tolérer tout ce qui lui arrive sans le remettre en question et au-delà de cela, à l’apprécier.

Elle a vieilli et depuis peu des mots disparaissent autant que des visages. Les souvenirs ne semblent plus parvenir à s’encrer dans son journal intime. Elle n’arrive plus non plus à organiser les repas de familles qui étaient sa spécialité et a assisté un peu hagarde à son centième anniversaire sans réussir à y prendre part. Alors, c’est peut-être pas plus mal qu’elle débarque dans l’Esquisse.


En bonne narratrice je vais m'effacer et laisser la parole à Carmen :

Oh. Tiens j’me rappelais pas que le ciel était rose. Oh bonjour, gentil poulet sans tête pas effrayant du tout qui parle… Hum. Tu me rappelles que j’ai faim… Tu veux pas m’laisser te manger ? T’es pas sympa ! J’fais comment moi j'ai faim ? Bon, on va tenter l’herbe après tout les vaches la mangent bien. C’est quoi une vache déjà ? Aucune idée… La seule question importante actuellement est : pourquoi l’herbe a-t-elle un gout de fraise tagada ?
Tiens c’est étrange il y a des images surgissent dans le ciel. Pourquoi ces enfants sourient-ils ? J’me souvenais absolument pas que le ciel faisait ça… Au fait, c’est par où la sortie ?

Spoiler:

EDIT : Comment se positionne Carmen par rapport aux différentes guildes de la ville ? Carmen est clairement une aventurière à la masse qui survit en faisant un taf à droite à gauche. Elle pourrait virer Cy-anti (parce qu'on a essayé de la disséquer) ou Magendarme (elle a des idées très arrêtées du bien, du mal, tout ça...)