ÉPREUVE N°3 - ÉPILOGUE

Comme pour me conforter dans mon déni, la réponse de ma créatrice ne se fit pas attendre très longtemps. Les messages de Piu semblait avoir réveillée une certaine peur et une certaine inquiétude chez. Elle ne me gratifiait pas davantage de ses mots, mais, elle était plus présente. En observatrice silencieuse. Je pressentais que son retour ne tarderait pas et qu’il remotiverait les autres joueurs.



Après ce message et cette promesse d’un post mj, il s’écoula quelques temps où les membres restants purent poster chacun leurs tours. Cette fois-ci, il n’en manquait aucun à l’appel. Ce qui eut le mérite de me rassurer. Ma créatrice était davantage présente et active au sein de la communauté, mais son post et ceux de ses collègues de l’équipe de modération se faisaient désirer. A chaque passage sur la chatbox, elle s’excusait auprès de la communauté.


Si les posts s’étaient fait attendre, ce n’était pas pour rien. Ma créatrice y avait mis toute son âme et son temps libre. Allant jusqu’à relire et peaufiner les posts que ses collègues avaient écrit.
Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter.

Je n’ai jamais vraiment aimé les départs. Ils m’ont toujours fait éprouver un sentiment d’abandon latent et, même avec une très bonne raison, l’accepter est difficile. Je partageais cette vision et ce sentiment avec ma créatrice. Pour elle aussi, l’annonce de ce départ fut un coup dur. Merlin et elle se connaissaient depuis ma création. Il avait toujours été un membre actif, jovial et investi, très vite, il avait rejoint les rangs de l’équipe de modération pour aider Panic. Leur collaboration n’avait jamais cessé d’être fructueuse et si, le staff n’était pas constitué que d’eux, c’était clairement sur Merlin que Panic pouvait le plus compter.

Lorsqu’elle avait dû drastiquement réduire son activité et me dispenser de sa plume, Merlin l’avait brillamment remplacée. Elle avait aussi pu compter sur lui pour modérer la fin de l’évent.

Cette annonce suscitait donc des sentiments contradictoires en nous, à la fois la joie que nous éprouvions pour lui, mais aussi, cette amertume et cette tristesse de le voir partir.

Les semaines passèrent tandis que tout le monde digérait la nouvelle et se remettait à rp. À la suite de la fin de l’évènement, j’avais abandonné mes parures bleues pour revêtir des couleurs grises, plus ternes. Ma créatrice avait recommencé à écrire avec moi. Je m’en réjouissais, mais… je ressentais une mollesse, une mélancolie que je ne lui connaissais pas. Son écriture se dégradait et les membres étaient de plus en plus nombreux à disparaître. Heureusement, Panic parvint à se ressaisir.

Un beau matin, un message apparut sur le compte de Piu.

Elle ne disait pas oui, elle ne disait pas non. J’avais envie de dire que je comprenais, mais sincèrement non. J’étais attristé qu’elle ne montre pas plus d’enthousiasme à l’idée d’apprendre à me connaitre encore mieux ; j’avais surtout peur que cette réponse glace ma créatrice.

J’avais été surpris de voir son message, mais je le comprenais. Piu était sympathique et investie dans le forum, mais je ne la trouvais pas assez sérieuse pour remplacer Merlin… A mes yeux il était irremplaçable. Peut-être que c’est facile pour vous, facile de vous dire que la vie des gens continue quand ils sont absents. Pour moi c’est impossible, les gens n’existent que quand ils postent. Ce qu’ils font en dehors m’est intangible et même l’historique de la CB s’efface avec le temps…

C’est très dur de se balader dans des sujets et de voir écrit invité quand je me souviens encore du visage du personnage qui vivait l’aventure. C’est peut-être encore pire pour ceux qui ont gardé forme humaine, ceux qui se sont changés statues immobiles… Je les regarde parfois avec attention, m’attendant presque à ce qu’ils parlent, mais rien ne vient jamais…

Parfois j’ai l’impression de m’être transformé en nécropole.

[HRP : Je me suis trompé dans mon précédent post; quand le forum parle de ses parures bleues qu’il abandonne, c’est en fait elles qui revêt et il abandonne le gris terne ! Désolé à tous et surtout à toi Piu x_x]

Le gris et le noir me correspondaient bien, finalement. Car déjà, les posts se faisaient plus rares, mes membres se transformaient lentement en âmes errantes. C’était l’étape où je guettais leurs présences de plus en plus attentivement, constatant impuissant leurs transformations en pierre. L’optimisme de ma créatrice n’avait plus le même impact sur moi. La brève empathie que j’avais eue pour Merlin et son départ s’était tarie assez vite pour que je ne rappelle plus de ce que ça fait, l’empathie.

L’amertume avait pris le dessus. Les images des sujets non-lus ne s’affichaient plus, les pages des sujets liées aux absences mettaient du temps à charger dans leurs intégralités. Je refusais les départs. Je refusais qu’on me laisse.

Une semaine s’était écoulée depuis la réponse de Piu. Ma créatrice ne cessait d’ouvrir le message, de taper une réponse, de l’effacer. Ce rituel était quotidien. Il avait été accompagné d’une réponse à un sujet rp une fois, puis de deux dans le flood une autre. Et ça s’était arrêté là. Elle n’osait plus venir, fuyant la détérioration de sa création, se sentant aussi impuissante que paniquer. C’était ironique, ça.

Mais, au bout de cette douloureuse semaine, elle avait répondu. Sueurs froides, doigts fébriles au contact du clavier, hésitation sur les mots ; elle finit par écrire une réponse où elle informait Piu de sa décision.



Panic était néanmoins heureuse de sa réponse, bien que l’angoisse de la réticence de Piu persistait toujours. Moi, je ne savais plus vraiment quoi penser. Je m’enfermais dans une prison pessimiste, imaginant les pires scénarios pour ne plus être déçu.

Combien de temps ce sujet resta-t-il sans réponses ? Trop, car jamais il n’en obtint. Cette demande de RP fut délaissée par les rats qui avaient déjà décidé de fuir le navire. Je prenais l’eau, et pourtant Panic et Piu continuaient d’écoper. Les nouveaux venus se faisaient rares, inconsistants, et malgré tout les deux écrivaines répondaient à leur présentation dans l’heure. Elles proposaient des RPs à tout va, si elles ne répondaient pas à chaque demande de RP posté dans la seconde, c’est qu’elles laissaient encore le bénéfice du doute à tous ces lâches de déserteurs.

Leurs MPs se multipliaient, se croisaient souvent. Je crois qu’elles aimaient voir ce signe de vie, cette petite fenêtre que j’ouvrais pour les avertir qu’elles avaient reçu une missive. Sinon, elles m’auraient déserté pour ce satané Discord dont tous parlaient. Seulement la demande de RP de Piu ne trouva pas d’acquéreur et un mois plus tard Panic finit par se faire une raison en voyant que le nombre de vues du dit sujet ne dépassait pas la quinzaine. C’est le cœur lourd que je découvris la missive.



J’avais le cœur serré, j’étais en colère. Comment pouvait-elle décider du jour au lendemain de me plaquer ? La réponse de Piu me remplit de haine. Elle ne prit même pas la peine de défendre mes intérêts.



J'avais refusé de le voir venir.

Je tombais en ruine. J'étais négligé, oublié, délaissé. Pourtant, elles restaient, refusant d'abandonner le navire. Ma colère s'était tarie au fil de leurs messages, du temps entre chaque nouveau texte à dévorer. À mesure que leurs personnages foulaient le gazon du Galactik Stadium, qu'ils exploitaient le Fluide au maximum de son potentiel. Piu et Panic étaient toutes deux en attaque, menant l'offensive à elles seules.

La balle venait d'être remise en jeu et il ne restait plus qu'une poignée de minutes avant que les arbitres n’annoncent la défaite de mes deux survivantes. Malgré tout, elles étaient déterminées. Je savais que je tombais en ruine, que je m’écroulai, mais comme elles, j'avais envie de voir ce rp se clôturer. Je savais qu'il serait le dernier, alors, en profiter un maximum était devenu le principal, il fallait qu'il dure le plus de temps possible.

C'est lorsque je voyais la fin se profiler et l'optique d'une défaite se préciser, que Piu fendit le terrain, passant au travers des joueurs adverses, bondit et réceptionna une passe de Panic, chargée de Fluide. Elles avaient égalisé un quart de seconde avant que le sifflet final ne retentisse.

Les joueurs eurent une courte pause pendant laquelle ils purent se désaltérer et s'étirer. Leurs jambes étaient lourdes, leurs maillots moites, mais la couleur de ces derniers rayonnait à nouveau sur le terrain, le match n'était pas terminé.

En digne supporter, je déployais des bannières à leurs couleurs sur mon QEEL. J'allais les supporter jusqu'à la fin.

Jusqu'à la fin, je me tins avec elles. Alors qu'elles arrachaient un ultime but, je les acclamais, alors que l'équipe fêtait sa victoire, je leur disais adieu.

La saison touchait à son terme, leur équipe avait joué son dernier match, l'aventure était fini.

Il n'y eut pas de nouvel échange de mp, la new de ma fermeture et le partage de cette dernière au partenariat avait été fait juste avant le dernier post de leur rp.

C'est avec leurs personnages qu'elles tirèrent leurs révérences.

Nous sommes arrivés à la fin de mon histoire, j'ignore ce que Panic, Merlin, Piu et tous les autres sont devenus. Quelques fantômes passent parfois, me laissant apercevoir une silhouette familière sans pour autant être capable de la percevoir.

Selon toi, était-ce le début de la fin ou est-ce la fin du début ?