Recroquevillée, une petite fille pleure. Peau bleutée, joues rosées et doigts cassés, un rayon de Lune se reflète dans le liquide lacrymal qui ne cesse de couler sur les draps blancs teintés de rouge. Abusée par une personne qu'elle admirait, qu'elle continue d'admirer. Son frêle squelette brisé n'arrive plus à soutenir le poids de sa peau. Laissée seule, ici, ayant pour seul habit sa couverture à fleurs rouges. Sa couleur préférée. Elle ne comprenait pas ce qui lui était arrivée, elle avait mal, si mal, elle s'était débattue mais que pouvait-elle faire face à un homme bien plus âgé qu'elle ?

Avait-elle eu tord de lui accorder une confiance aveugle ? « Ne t'en fais pas, c'est normal, toutes les personnes de ton âge le font. » disait-il, un sourire collé au visage. Naïveté enfantine éprise de cette aura qu'elle pensait rassurante et réconfortante. Idiote, idiote, idiote. Il ne voyait qu'en elle sa muse, son objet, sa chose. Elle le voyait comme un modèle, un sauveur, un héros. Marie souffre. Ses ecchymoses deviennent visibles, son cœur est brisé, une enfance anéantie.


Avec sa robe d'une couleur nacrée surplombée d'une cape rouge, ses cheveux d'un blond doré et ses grands yeux émeraude ouverts sur le monde, la candeur de Marie transparaît dès le premier regard posé sur elle. Naïve et curieuse, elle va toujours vers les gens, ses parents l'ont toujours sommé de faire attention et de ne jamais accorder sa confiance trop vite à des inconnus. Mais à un jeune âge on a tendance à en faire toujours à sa tête, elle continuait de dire bonjour à tout le monde, que ce soit aux passants, aux oiseaux ou aux arbres. Elle était radieuse, souriante, pétillante. Un peu simplette et maladroite sur les bords, sa propre personne suffisait pour que les autres esquissent un sourire. Un véritable rayon de soleil.

Mais le soir on la retrouvait allongée sur son lit, inconsolable. Marie griffonnait et gribouillait sur ses carnets, ses seuls échappatoires. Elle était vivante mais se sentait morte de l'intérieur. Elle avait grandi beaucoup trop vite, arrachée bien trop tôt à son enfance à laquelle elle tenait tant. Trop mûre désormais, esprit critique face au monde, Marie ne vit plus dans ses contes de fée d'antan. Elle n'en avait jamais parlé. Jamais. La jeune fille le gardait toujours pour elle, enfermé à double tour dans son cœur mais le soir, la serrure se brisait et tout finissait par exploser. Elle était si fragile et tellement triste, chaque jour était un combat qu'elle menait. Que pouvait-elle faire ? Elle espérait juste oublier.


Un soir, allongée à terre, les yeux fermés, Marie serrait son carnet contre sa poitrine. Elle était perdue dans le monde des songes quand un vif éclair blanc la surprise. Clignant doucement des yeux, la demoiselle réalisa qu'elle ne se trouvait plus vraiment en sa demeure... Le ciel était morne et rose, des images sombres défilaient. Qu'est-ce que tout cela signifiait ? Non loin se trouvait un bâtiment, semblant n'être qu'un simple phare.

Un pêle-mêle de questions lui parvînt. Pourquoi elle ? Pourquoi ici ? Quel est cet endroit ? Pourquoi maintenant ? Était-ce un moyen qu'on lui offrait pour oublier ? Pour changer ? Pour être loin de lui ? Pour avancer et aller de l'avant ? Marie ne savait pas et la seule chose à laquelle elle pensait, était de se mettre à l'abri à l'intérieur de la bâtisse. Face à la porte qui s'offrait devant sa personne, elle sortit son carnet, arracha les premières pages et écrivit en haut de la première « Prologue – La naissance de Red ». Quitte à vouloir recommencer, autant reprendre dès le début.
La demoiselle mit sa capuche et du haut de ses quinze ans, Red s'engagea dans le phare prête à écrire la suite de l'histoire, déterminée à avoir des réponses à ses questions malgré le fait qu'elle soit tiraillée par la peur de l'inconnu.